L
a première scène ouvre sur un dialogue un peu vif entre une nana venue de nulle part et un mec qui fleure bon un doux mélange d’escroc, de dealer et de mac. En bruit de fond, un second dialogue en voix-off laisse clairement entendre que l’heure est venue de régler les comptes. C’est sur la côte Ouest que démarre ce diptyque, et plus précisément dans la zone des chantiers navals. Henri est soudeur, il travaille sur l’un de ces monstres prêts à prendre la mer. Le destin de cet homme d’apparence tranquille va basculer quand il va croiser dans un bar le duo qui a ouvert le bal. Témoin d’une engueulade entre les deux oiseaux, ce qui pourrait paraître anodin pour la plupart réveille chez lui de douloureux souvenirs ; il voit rouge. Massif comme un ours, il se dresse pour intervenir. Doux comme un agneau, il se prend un coup de tête.
Rencontre de paumés sur fond de trafic de drogue, l’intrigue va rapidement prendre la forme d’une course poursuite dans les règles de l’art, avec ce qu’il faut de rebondissements. Malgré quelques difficultés ponctuelles pour resituer l’action dans son ensemble, le tout est cohérent. Trop figé, le dessin d’Olivier Thomas (Sans pitié) manque parfois de pêche pour illustrer certaines séquences. Toutefois, c’est avec une sobriété bienvenue qu’il campe les protagonistes, ce qui participe à l’atmosphère réaliste et sombre du récit. S’il est dommage que la majeure partie des seconds rôles manque d’épaisseur, le passé des personnages principaux, volontairement tu pour elle, volontairement disséminé sous forme de flashs pour lui, interpelle. Comment Henri va-t-il réagir face aux situations à venir qui ne vont pas manquer de mettre en souffrance son naturel affable ? Quel avenir pour cette fille perdue qui semble avoir joué à quitte ou double sur ce coup là ?
Ce premier tome de Dos à la mer présente une trame assez classique. S’il ne fait nul doute que le second apportera son lot de surprises, reste à savoir de quelle manière cela sera amené, car lancée comme elle l’est, l’histoire devra impérativement conserver son caractère plausible pour fonctionner.
Dos à la mer est un polar qui a pour cadre un petit port maritime. On va suivre en parallèle deux histoires, celle d’une femme embarquée sur un mauvais coup et celle d’un homme travaillant sur un chantier métallurgique de construction navale. A un moment donné, les destins vont se croiser pour ne former qu’un même récit ce qui sera plus facile pour la compréhension générale.
Ainsi, on voit un homme à lunette sur les premières pages qui accompagne cette femme. Plus tard, on se demande si c’est le même protagoniste assez odieux lorsqu’il est au bar avec cette dernière. On remarquera au passage que les lunettes ont disparu ce qui introduit un doute. On peut penser qu’il a besoin de ses lunettes pour conduire. Certes. Cependant, lorsqu’il reprendra le volant de son véhicule, cela sans sa paire. Bref, ce n’est pas très clair. C’est le genre de chose qui me chiffonne à la lecture car on ne saisit pas tout.
Notre héros assez timide va être mis en congé forcé suite à un accident provoqué par un mauvais alliage chinois. On remarquera que le message véhiculé est que la Chine fournit des matériaux qui ne répondent pas à des critères de qualité. N’est-ce pas un peu réducteur ? Bon, le propos ne sera pas là puisqu’on s’achemine vers une espèce de road-movie où des fugitifs tentent d’échapper à de vilains gangsters. Classique mais efficace tout comme le dessin qui laisse transparaître les émotions des personnages.
Le duo formé sera assez improbable. On n’y croit pas une seule seconde mais il y a une réelle efficacité dans la mise en scène ce qui rend la lecture plutôt agréable.
Amateur de série noire, ceci est pour vous : une série noire française. Le récit ne se déroule pas dans une mégapole américaine mais à St Nazaire. Henri, soudeur aux chantiers navals, est mis à pied dans une affaire de malfaçon et de gros sous. Il risque de servir de fusible alors qu’il était le seul à signaler les risques. Il a été également témoin d’une altercation entre une femme et un homme et à récupéré le portable perdu par ce dernier. Il vient de mettre le doigt dans quelque chose qui le dépasse car le couple n’est pas ordinaire : la femme, Natacha, épouse d’un membre emprisonné de l’ETA, est recherchée par cette organisation et la police ; l’homme, Jipé, fait partie d’un réseau mafieux et doit faire partir une cargaison de drogue que Natacha va être chargée de convoyer.
Comme bien souvent avec ce style d’histoire, ce n’est pas l’originalité qui prime mais la bonne utilisation des codes, la cohérence du contexte, la solidité des personnages. Ici tout est bien présent. Le contexte social est bien décrit de même que le « milieu », les évènements s’enchaînent intelligemment et les deux personnages principaux sont plutôt attirants. Natacha, dont on ne sait pas grand-chose, est traquée et perdue au point de jouer son avenir en faisant confiance à un parfait inconnu ; Henri, marqué par une enfance sous la coupe d’un père alcoolique, qui semble écrasé par sa passivité et son incapacité à affronter les évènements violents, décide soudain d’agir un aidant cette femme manifestement en détresse. Mais sera-t-il capable de poursuivre cette cavale qui s’annonce dangereuse ?
Le dessin réaliste au trait fin rend bien l’ambiance sombre froide et tendue du récit. Il est toutefois un peu statique et peine dans les scènes d’action.
Entre le suspense liée à la traque qui s’amorce et l’évolution des rapports entre Natacha et Henri, c’est avec envie que je lirai la suite de ce diptyque qui, pour l’instant, fait preuve de sérieux et de cohérence.