J
eune militant communiste, Albert Clavier n’a vécu la seconde guerre mondiale que par procuration, à travers son frère, résistant communiste ancien prisonnier de Buchenwald. À la fin du conflit, il s’engage sur un coup de tête dans l’artillerie coloniale. Le 15 mars 1947, il embarque pour l’Indochine. Dès le début du trajet, il va comprendre que cette guerre vers laquelle il vogue est en complète opposition avec ses opinions. Sur place, préférant se mettre naturellement à l’écart de ses camarades, il va lier connaissance avec la population. De fil en aiguille, de Saigon à Lang Son, en passant par Haiphong, il va mûrir une grave décision. Face aux exactions commises par l’armée française, face à la chasse aux sorcières envers les Rouges, face surtout à cette guerre qui, pour lui, bafoue les idéaux issus de la résistance, il va faire un choix. Celui de rejoindre le camp d’en face. Non pas pour trahir, car il ne trahit pas sa patrie. Il l’aime et reste fidèle à ses idéaux : liberté, égalité, fraternité. Il rejoint l’ennemi pour rester en accord avec lui-même. Le début d’une nouvelle vie…
C’est un sujet terriblement périlleux auquel s’attaque Maximilien Le Roy dans cet album. Rien d’étonnant de sa part. Son parcourt révèle depuis le début une volonté de voyager, se confronter, puis rapporter, témoigner, à la manière des grands reporters, sur des sujets difficiles. Néanmoins, mettre en images le choix d’Albert Clavier, personnage réel, avait tout d’un exercice à double tranchant. Il aurait été facile de tomber dans la caricature, résumant à la vision d’un seul camp cette guerre oubliée du côté français. Il aurait tout autant été facile de n’en faire qu’une chronologie historique. Heureusement, aidé par la personnalité du personnage principal, Maximilien Le Roy prend le seul parti digne d’intérêt, celui de l’humain. Ce n’est pas la guerre d’Indochine qu’il nous raconte ici, non. C’est la vie d’un homme et surtout son choix. Sans parti pris. Juste l’évocation du chemin pris par un individu qui, à un moment donné, a bifurqué, a quitté la route habituelle pour suivre ses convictions, quitte à tout perdre.
Il n’est pas question ici de pardonner ou condamner ce choix. Il est question avant tout de le comprendre, pour l’accepter. Quels sont les possibilités d’un individu face à de tels événements ? Comment rester honnête envers soi-même ? Surtout, quels choix s’offrent à lui, et à quel prix ? Un homme face à son destin. Raconté tout en pudeur. À lire.
voir le blog de Maximilien Le Roy
J'ai bien aimé le témoignage de cette vie d'un soldat français qui a changé de camp au nom de valeurs bien supérieures au nationalisme ou devrais-je dire au colonialisme. Il s'agit bien d'une critique féroce contre ce régime qui utilise la propagande habituelle de dire que les autres sont des terroristes.
Cela me rappelle des exemples encore récents de peuples qui se battent pour leur indépendance territoriale. Pourtant, des membres de ma famille ont fait la guerre d'Indochine en croyant bien faire. C'est clair que c'est une nouvelle lecture qui apporte plus de réflexions.
Le trait graphique n'est pas celui que je préfère mais j'ai bien aimé cette bichromie qui utilise la couleur grise. Par ailleurs, le récit est particulièrement fluide au niveau de sa narration. Un homme est face à son destin et va faire un choix pour être en accord avec lui-même. Je l'admire déjà. Bref, c'est un bel hommage rendu par l'auteur pour un homme hors du commun et pourtant méconnu.