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uelque part en Afrique, des villageois se pressent pour écouter « Il était une fois », le marionnettiste manchot, venu raconter l’histoire de Sans-Façon, le singe qui a affronté le terrible Serpention et est devenu le premier Homme. Mais s’il remporte un vif succès auprès du public captivé et impressionné, le griot reçoit un tout autre accueil dans son village natal. Là, nul n’ose s’installer devant la scène par crainte de Salif, policier et tyran local, qui n’a de cesse d’étouffer toute forme de liberté d’expression. Il en faut cependant plus pour empêcher « Il était une fois » de faire entendre son conte, quitte à y perdre encore des membres ou même la vie…
Peut-on impunément bâillonner les prophètes de la liberté et de la parole ? Peut-on indéfiniment réduire le verbe et les hommes au silence ? Zidrou donne sa réponse à ces questions à travers un conte, tout de justesse et de profondeur, qui s’avère à la fois atemporel et d’une actualité mordante. Enracinant son récit en Afrique, terre de légendes et d’onirisme, il joue habilement et subtilement avec les mises en abîme pour délivrer son message universel. Le conteur narre une parabole, avant de lui-même devenir l’objet d’un (de) conte(s), tandis que les autres protagonistes prennent tour à tour le relais, se racontant eux-mêmes lors de brefs intermèdes entrecoupant l’intrigue générale. Imprégnés d’une importance particulière, les mots sont au centre de l’histoire, défiant l’autorité et l’injustice qui lui préfèrent la voix – aussi violente et tranchante que stérile et dépourvue d’humanité/d’humanisme - des armes, lui insufflent la vie et touchent tous les intervenants. Même les animaux sont doués de parole, comme dans toute bonne fable, et n’hésitent pas à se joindre au chœur pour livrer leurs vérités et leurs impressions - dépourvues d’aménité – sur les faits.
Le récit est par ailleurs joliment porté par le dessin semi-réaliste de Raphaël Beuchot qui parvient à restituer parfaitement l’atmosphère du propos. Son découpage net et extrêmement lisible lui permet de passer sans à-coups des scènes réelles à la mise en images des rêves ou peurs des protagonistes. Certains passages sont particulièrement réussis, comme la juxtaposition des cases où s’agitent les marionnettes d’«Il était une fois » et celles montrant la réaction du public au gré des répliques.
Rapportant le combat du verbe contre la tyrannie, Le montreur d'histoires est de ces albums qui touchent à la corde sensible et émettent des vérités toujours bonnes à rappeler et propres à faire méditer. À découvrir.
Histoire tragique et poétique que celle de "Il était une fois" le marionnettiste qui s'obstine à raconter ses histoires malgré l'opposition du tyran local.
Ce conte africain écrit par un belge et dessiné par un français est pourtant tout à fait conforme à ce qu'on imagine de ce continent où le peuple résiste à l’oppression par l’imagination. La mise en image est tout à fait réussi et au total on est envouté par par cette Afrique imaginaire.
Ne ratez donc pas ce montreur d'histoire.