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Soil 4. Volume 4

21/07/2011 5541 visiteurs 7.5/10 (4 notes)

S oil, ville nouvelle, construite au milieu de nulle part, est le théâtre de crimes qui peinent à être résolus et de phénomènes pour le moins bizarres. Le duo de flics dépêchés sur place est confronté à une population soudée dans le silence et le déni.

Au centre de toute chose est la cité. Aseptisée en façade, mais malade en son sein, le récit débute quand les symptômes du mal qui la ronge commencent à bourgeonner à l’extérieur, au propre comme au figuré. Ses habitants sont à son image : leur apparente normalité s’effrite vite face à l’étrange étrangeté qui vient bousculer leur quotidien. Les failles individuelles et collectives, et notamment le fantasme de l’ennemi intérieur - ici nommé le corps étranger -, apparaissent alors au grand jour, sans pour autant livrer tous leurs secrets. Une phrase du troisième tome exprime assez bien l’esprit général : « Mais c’est normal, le mystère n’est pas destiné à être élucidé ». Une autre, extraite du quatrième, laisse clairement envisager l’avenir : « Des mystères qui sont juste des mystères dont le but est simplement d’exister en tant que mystère ». Si cet album amène son lot de révélations, notamment sur le passé, bien évidement terrible, de cette contrée, ces dernières ouvrent davantage de perspectives qu’elles ne résolvent les drames du moment.

Il est certain que l’auteur, Atsushi Kanedo, a effectué un travail de fourmi pour séquencer ce récit où le loufoque côtoie le dramatique sans que cela heurte la lecture. Bien au contraire, la narration se trouve dynamisée par le caractère imprévisible du choc des tonalités. Cela est en partie dû à la personnalité des différents protagonistes, façonnée en profondeur et sur mesure pour chacun d’entre eux. La galerie de personnages est donc épique. Il en va ainsi des deux inspecteurs, baptisés par les autochtones « le thon » et « le vieux à moumoute ». Elle est jeune, maladroite, plutôt moche, et un peu tête à claques exaltée par sa mission. Il est vieux, revenu de tout, et surtout, doit avoir un lien de parenté très proche avec le Bérurier de sieur Frédéric Dard. Cocktail improbable pour un duo de flics, c’est une recette qui a déjà fait ses preuves ! Dans l’absolu, Soil se révèle exempt de seconds rôles au rabais et regorge d’excentriques qui déparent de la troublante perfection locale plus apparente que réellement ambiante.

Univers inspiré par bien des aspects de ceux de séries télévisées cultes telles Le prisonnier et Twin Peaks, mais aussi de films tel Le village des damnés, Soil brille par de multiples facettes qui en font un tout aussi étonnant que cohérant, inquiétant et non dénué d’humour. Le dessin sert à merveille son sujet. Le trait varie de quelque chose de très mécanique - rendant parfaitement le caractère propret de la commune, et par là-même, restituant avec encore plus de force les incongruités qu’elle subit -, à quelque chose de plus électrique - permettant une grande expressivité des visages, et offrant ainsi une grande vitalité à l’histoire. Le découpage est soigné, octroyant, d’une part, à l’auteur, la possibilité de jouer graphiquement avec l’agencement de ses planches, et offrant, d’autre part, au lecteur, le plaisir d’être surpris par les cassures d’ambiance.

L’enquête piétine, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Par F. Mayaud
Moyenne des chroniqueurs
7.5

Informations sur l'album

Soil
4. Volume 4

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Note: 4.3/5 (18 votes)

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L'avis des visiteurs

    excessif Le 21/10/2011 à 13:45:33

    Le 4ème volume de la saga fantastico-policière de "Soil" voit la fiction littéralement exploser dans un délire quasi surréaliste d'évènements hallucinants (et donc singulièrement réjouissants...), mais également - ce qui est d'autant plus ahurissant - l'ébauche d'une "explication" aux déluges de bizarreries dont Atsushi Kaneko nous a abreuvé. Mais ce qui est jouissif, c'est que cette "explication", pour n'être évidemment ni rationnelle ni même le moins du monde cohérente, génère une indéniable fascination, qui élève le récit bien au dessus du niveau d'étrangeté "lynchien" qui nous avait initialement tant séduit. Il y a quelque chose de littéralement "cosmique" dans cette manière originale de faire revivre la vieille vision lovecraftienne des mondes parallèles recélant des horreurs sans nom : c'est que pour Kaneko, c'est bien le mal qui réside au coeur des sociétés humaines qui génère finalement les "objets étranges" responsables de ces trous redoutables dans la réalité. Ces jeux d'enfants désespérés par la normalité haineuse de leurs parents défont la structure même du monde, et créent un écho encore incompréhensible avec les tourments du Japon de l'après-guerre. Ajoutons que l'humour légèrement tordu dont fait preuve Kaneko, et la belle symbolique d'une plante inconnue entraînant les enquêteurs vers un ailleurs fascinant peuvent également évoquer les livres les plus ésotériques de Murakami. Oui, "Soil" est un chef d'oeuvre...