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ue se cache-t-il donc derrière ce dessin tantôt chiadé, tantôt diffus, où le réalisme met en exergue la laideur. Que se cache-t-il donc derrière ce trait fin et reproduit jusqu’à ce que la masse filandreuse prenne forme et dévoile son âme profonde ? Le nouvel album de Les frères Guedin ! Pareil nom devrait inévitablement contribuer à l’atmosphère, pourtant, en parcourant leur livre, un certain malaise ne manque pas de s’inviter dans la tête, assurément bien faite, du lecteur.
Si l’humour se veut béotien en apparence - cela pour reprendre un terme pointu employé dans l’ouvrage -, il l’est sans doute moins qu’il n’y parait. Il y a bien du Vuillemin de la première époque, du Lindingre d’aujourd’hui, dans ce Luv story, il est néanmoins impossible d’en comparer l’esprit. Le graphisme, minutieux dans les moindres détails, ouvre la porte du trouble, celui-là même que provoque la crudité des images. Le paradoxe est donc le suivant : c’est réellement drôle - pas toujours, mais ça fait tout de même souvent mouche -, et dans le même temps, sans parler de la vision fort peu réjouissante de l’humanité qui est donnée à voir, le contenu est plutôt dérangeant parce qu’il touche aux interdits. La qualité des textes contribue à cette sensation : c’est bien écrit et les bons mots ne manquent pas - une prose béotienne diront certains.
L’absurde et le chaos sont bien naturellement de la partie dans les courts récits qui composent cette bande dessinée. Ainsi, vous découvrirez, entre autres, pourquoi Francis et Farid, 11 ans chacun et premiers de la classe, concentrent leurs recherches dans la création de l’homme crevette, comment la veuve noire a eu la peau de Christiane, et enfin, comment la moule viendra de la mer.
Du kitch et du rêve au programme, mais aussi de la nausée ! Luv story est donc essentiellement destiné à un public d’amateurs éclairés (tels que peuvent l’être les lecteurs d’Ivan Brunetti), il convient de le préciser. Âme sensible, va jouer ailleurs.
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