L
e monde de Troy se peuple volontiers de bêtes étranges en tous genres. Dans ces contrées, la ville de Triban, située sur des marécages, dominant les mers, aurait pu craindre une menace venue des flots plutôt que des airs. Tout au contraire, les dégâts sont provoqués par des créatures volantes : les gargouilles. La nuit venue, ces êtres de pierre prennent vie et détruisent les murs qui les supportent, principalement ceux des palais. Les soldats ont beau réduire en miettes ces démolisseurs nocturnes, ces derniers renaissent inlassablement au crépuscule. Peu à peu, ils en viennent à endommager même les simples structures et à attaquer la population. La situation préoccupe l'Edyle, sorte de maire de la ville de Triban. Il fait appel à un célèbre magicien pour combattre le sort, mais la solution viendra peut-être d'un barbare, un colosse fraîchement débarqué en ville pour chercher du travail auprès des milices des grandes familles. À moins que ses talents de musicien ne supplantent son âpreté au combat et n'envoûtent à la fois les pistes de danse et Cizille, la fille de l'Edyle.
Imaginées par le père d'une certaine Heroic Fantasy à la française, Christophe Arleston, auteur de toutes les séries de Troy, ces nouvelles terres enchantées sont conçues avec la même recette que les précédentes : un monde menacé par la magie, une jolie fille peu vêtue et hautaine, un barbare pas très évolué mais bon combattant, le tout bercé par la musique, sûrement du Rock'n'Troll. Les animaux imaginaires ne sont pas légion à Triban, contrairement au reste du monde de Troy, à l'exception donc des Gargouilles. Arleston change de registre au niveau des influences vestimentaires et esthétiques. Le Moyen Âge revisité de la plupart des scénarii de Fantasy laisse place à un certain dandysme, à une élégance plutôt XVIIIe siècle. Les perruques fardées ne sont pas si loin. La ville de Triban elle-même évoque cette époque historique, avec sa construction sur les flots, rappelant Venise. L’histoire en elle-même est plaisante, menée tambour battant, mais l'originalité n'est pas encore très vive. La maîtrise du scénario d'Arleston se fait sentir à chaque planche, avec, pour chaque épisode, un en-tête avec une grande case décorative et une conclusion identique. Cette orchestration au métronome rythme l'album de manière assez conventionnelle quoique très efficace. Tout le métier du narrateur est en marche.
Les influences données par le scénariste conviennent parfaitement au graphisme de Didier Cassegrain, aux lignes très élancées, au style semi-réaliste, tantôt dur, tantôt souple et élégant. Les personnages frisent parfois la caricature pour mieux exprimer leur rang social ou leur fonction. Le dessin est riche et séduisant, doté d'une mise en couleurs soignée, prenant en compte les jeux de lumière extérieur/ intérieur, ce qui n'est pas si fréquent. Il est regrettable toutefois de noter une faiblesse au niveau de la fluidité des scènes de combats où l’enchaînement des cases n'est pas parfait, surtout du point de vue du placement des personnages. La carrure des protagonistes manque de relief, ils semblent collés sur le décor. Les gargouilles elles-mêmes ne relèvent pas d'une grande créativité ni d'un réel esthétisme. Tout cela atténue la qualité d'un album, mais les adolescents, cœur de cible de ce nouveau Monde de Troy, sauront peut-être ne pas en tenir rigueur au dessinateur.
L'Heure de la gargouille est un album sympathique, vivant, entraînant, mais peu surprenant.
je viens de lire ce dernier album et je suis un peu déçu car le scénario d'Arleston n'est qu'une transposition du joueur de flûte d'Hamelin dans l'univers de Troye. Pas très original tout ça ! Heureusement le dessin de Didier Cassegrain est toujours aussi sublime et permet de passer un bon moment.