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ne information, relayée massivement et à vif par la nécessité d’en être, de l’émotion, sensible et de fait incontestable, et des déclarations, tant pour exister que pour ne pas être pointé du doigt par la vindicte populaire, voilà le mécanisme qui semble régir la pensée de l’époque. Pareil système n’est guère propice à la prise de recul, à la réflexion. Si cela est regrettable dans l’absolu, en période de crise, ça peut être dangereux. Parce qu’il s’attache à revenir au commencement, parce qu’il déroule son propos dans le temps, le film documentaire et le livre de Yamina Benguigui, Mémoires d’immigrés (1997) éclairent le présent d’une autre lumière que celle, abrupte, alimentée par les faits divers. Ne serait-ce que pour cela, la transposition en bande dessinée des témoignages recueillis par l’auteure française d’origine algérienne est à louer.
Jérôme Ruillier n’a, jusqu’alors, réalisé qu’un seul album de bande dessinée (Le cœur-enclume), sur une thématique qui le concernait directement, ce qui conférait une force toute particulière à son propos. Si la plongée dans des eaux moins connues peut constituer un cap difficile à passer, il n’en paraît rien à la lecture de cet ouvrage d’une grande clarté, volontairement très lisible. C’est là l’atout de cet auteur qui travaille régulièrement pour la littérature enfantine : une capacité à vulgariser sans oublier l’essentiel.
Pour confronter au mieux son lecteur aux différents témoignages qui vont se succéder, voire se rejoindre par leur contenu, Jérôme Ruillier utilise un graphisme au crayon de bois d’une grande sobriété, usant à bon escient du symbolisme, se concentrant sur l’essentiel pour laisser toute sa place au texte qu’il accompagne. Les dessins, imposants par la place qu’ils occupent dans les pages, donnent l’esprit aux propos qu’ils illustrent ; le mariage entre les deux fonctionne remarquablement. L’agencement interne des planches est d’une grande variété et participe ainsi au plaisir de lecture. Si la représentation graphique des personnages (souris) peut interloquer un temps, tant elle fait écho au chef d’œuvre d’Art Spiegelman, Maus, la comparaison s’arrête cependant là. D’une part, tous les protagonistes sont représentés de la même manière (il n’y a pas de chats, l’idée n’est pas d’opposer, mais de rapprocher), et, d’autre part, ce choix avait déjà été utilisé dans Le cœur-enclume. La seule maladresse de l’auteur est d’avoir voulu ponctuer ce qui est raconté, de manière assez rare heureusement, avec ses propres pensées. L’intention était sans nul doute bonne, mais la teneur assez fleur bleue de ces passages et leur manque de pertinence leur confèrent un caractère fade au regard de l'ensemble.
Trois volets de témoignages composent ce livre : les pères, les mères, les enfants. Montrer pourquoi les premiers ont été résignés et soumis par rapport à leur sort, pourquoi les secondes étaient en décalage et si isolées dans ce pays étranger, mais aussi les plus à même de faire le premier pas vers une possible intégration, et enfin, montrer pourquoi les générations suivantes, mieux armées culturellement, se sont senties humiliées et conservent un rapport complexe avec leurs origines, avec le parcours imposé à leurs parents. Au fur et à mesure, le lecteur devrait se surprendre à revenir en arrière pour voir le trajet parcouru par les différents intervenants ; certains auront stagné, d’autres auront eu un itinéraire remarquable. Quoi qu’il en soit, la première génération aura connu le choc d’un déracinement profond, d’un écartèlement pour ainsi dire ingérable entre deux cultures, qu’il n’est pas possible d’effacer au cours d’une simple traversée de la Méditerranée. Le traumatisme de leur descendance est tout autre, Mounsi le dit : « Dans l’Œdipe, il faut tuer le père, mais nous, au contraire, il nous faut le déterrer, il nous faut le faire revivre. Il a été tué socialement... Il nous appartient à nous, les enfants, ... de lui faire redresser la tête... ».
Livre important pour ce qu’il renferme, conçu pour être lu par le plus grand nombre, Les Mohamed apporte un éclairage bienvenu sur l’histoire mal connue de l’immigration maghrébine, qui fait, ni plus, ni moins, partie de notre histoire.
Un tres bon livre,
je ne vais pas m'apesantir sur la façon d'aborder ce pan de notre histoire car elle reprend le chemin emprunter par le roman Yamina Benguigui.
Algériens,ils sont venus souvent seuls en France pour apporter une vie meilleure à leur famille, le point de vue de 3 générations différentes.
C'est rempli d'humilité. ça rappelle un peu certains romans de Yasmina Khadra.