Souriez

E lle s’appelle Raina, elle a onze ans et toutes ses dents. Ou presque. Alors qu’elle allait bientôt être dotée d’un de ces charmants appareils dentaires qui sont la hantise des pré-adolescents, Raina est tombée et s’est cassée deux incisives. Horreur ! La voilà affublée du sourire qu’elle avait à six ans, version vampire. Pour le glamour, elle repassera, comme ses copines le lui font remarquer. Mais le calvaire de la jeune fille ne fait que commencer. D’orthodontistes en chirurgiens, elle se voit infliger un tas d’appareillages différents, teste même les fausses dents, tout ça pour s’entendre dire que le travail précédent n’a pas abouti comme il aurait dû, qu’il faut recommencer, peaufiner, améliorer. Vraiment galère ! Et pour plaire aux garçons, ce n’est pas gagné…

Avec son smiley au sourire éclatant rayé de fils bagués, Souriez ! pourrait passer pour un album publicitaire, voire didactique, sur les soins bucco-dentaires. Pourtant, si le lobby des dentistes de tout acabit était derrière ce one-shot, il se serait drôlement trompé. Car loin de constituer un panégyrique des hauts faits du spécialiste ès caries, couronnes et autres pivots, le récit de Raina Tegelmeier a plutôt tendance à rappeler de douloureux souvenirs au lecteur, doublés de grands moments de solitude et de complexe – cachez ces bagues que nul ne saurait voir sans se moquer !

Fleurant bon le vécu, l’histoire incite plutôt à compatir aux mésaventures odontalgiques successives de l’héroïne durant ses années de collège et de lycée. Sur un ton non dénué d’humour quoiqu’un peu doux-amer, l’auteure montre que ce petit problème physique entraîne bien des conséquences difficiles à un âge où on est déjà souvent mal dans sa peau et en quête d’identité. Les réactions de Raina face à sa « disgrâce », amplifiées par la crise d’adolescence, sonnent plutôt juste, de même que les moqueries des copines de classe, pas vraiment charitables, la naissance des premiers émois amoureux et la peur de se faire envoyer balader par le garçon idéal (et idéalisé). Cette appréciable saveur d’authenticité parvient d’ailleurs à atténuer le côté répétitif des déboires dentaires du personnage principal qui pourraient un peu lasser à la longue. Enfin, le dessin expressif, quoiqu’assez simple, s’avère plaisant et d’une grande lisibilité.

De bonne facture, les quelque deux cents pages de Souriez ! se lisent facilement, quasiment sans faim, et procurent un bon moment de détente, qu'on soit allergique à la fraise du dentiste ou non.