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té 1990. Bruno et Sylvain décident de rejoindre leur tante Thérèse, une sœur franciscaine qui œuvre pour la Croix-Rouge dans un Liban en guerre. Pour voir et « essayer de se rendre utiles ».
Pour la plupart d’entre nous, la guerre du Liban c’est le souvenir d’images de Beyrouth qui semblaient avoir élu domicile dans notre petit écran à l’heure des repas. Images récurrentes d’un conflit complexe à appréhender, tant il était difficile d’en repérer les enjeux et les acteurs. Sous le coup de la lassitude, il aurait même pu être tentant de ne voir dans ces coups de projecteurs répétés qu’une sympathie compatissante envers des cousins éloignés ou des relents nostalgiques envers un territoire autrefois moins étranger. Depuis, nous sommes tous devenus de petits experts en géo politique de cette région du monde pour peu qu’on ait pris la peine de digérer l’abondante documentation offerte sur ce sujet.
Clichés Beyrouth 1990 n’appartient pas à cette catégorie d’ouvrages didactiques et c’est probablement ce qui fait sa force. C’est, avec le recul offert par les années, le témoignage de deux jeunes qui, aussi proches qu’ils puissent être, ont vécu un moment charnière dans leur vie de manière différente. Si les informations sur la situation réelle du pays et de ses habitants ne manquent pas, c’est avant tout un récit de voyage, un recueil d’expériences et de rencontres, et souvent un concentré d’émotions. C’est frais et fort, insouciant et grave, porteur d’espoir et désespérant pour la nature humaine.
Ce mélange de saveurs, tantôt douces tantôt très amères, s’exprime grâce à une mise en place aussi rigoureuse que méthodique mais totalement transparente. La structure adoptée pour chaque chapitre – photo d’un lieu ou personnage / planches dessinées suivant les personnages / texte de conclusion – est d’une efficacité totale. Comme le dessin de Gaultier tout en légèreté et en vivacité alors qu’il aurait été si facile d’adopter un style plus détaché ou au contraire théatral.
Que dire également de ces deux épilogues, inattendus, qui vous assènent autant de directs « là où c’est sensible » ? Rien probablement parce que parfois les mots manquent lorsque, silencieux, on range cet album à côté du « Photographe ». Les registres sont différents, le ton et le traitement aussi. Mais on se doit de lire l’un et l’autre.
Ce livre parle de la guerre du Liban. Pas d'un point de vue historique mais personnel : celui de Bruno et Sylvain Ricard qui décident d'aller dans ce pays en guerre "pour se rendre utiles". On découvre avec eux ce conflit très particulier, souvent calme mais où le danger est omniprésent. A chaque instant, une bombe peut venir détruire une maison, une ville, une vie...
La guerre est ici montrée au travers de la population et de leur vie quotidienne mais, à juste titre, les auteurs ne cherchent pas à trop en faire et ne dramatisent pas outre mesure les situations. Le malheure des gens s'impose de lui-même. Le tout est raconté de manière très simple et avec certaines touches d'humour qui tapent juste.
Le dessin de Christophe Gaultier est remarquable et fait véritablement penser à un carnet de voyage : chaque trait semble pris dans la hâte et rend bien l'atmosphère de peur qui règne dans l'album. Les scènes de bâtiments en ruine sont par exemple une véritable réussite, mais tout l'album en est une. En plus, la narration est sans faille et captive du début à la fin.
J'ajouterais une mention spéciale pour les textes, non seulement les dialogues mais aussi ceux qui ponctuent chaque chapitre, très bien écrits. Ils sonnent terriblement juste et de nouveau, les auteurs n'en font pas trop.
Cet album est un très grand moment d'émotion.