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n beau matin, alors qu’elle fait les cent pas dans son appartement pour dissiper les brumes de son esprit, Barbara, ex-flic, dite Barbie, tombe nez à nez avec le corps ensanglanté de Jill, ex-petite amie et ex-mannequin, qui gît sans vie dans la cuisine. Après deux ans d’absence, drôle de façon de réapparaître… Ni une ni deux, Barbie s’enfuit avant l’arrivée de ses anciens collègues, bien décidée à faire la lumière sur cette affaire.
Damien Marie retrouve ici Sébastien Goethals, son complice de Ceci est mon corps et Need, pour un polar ayant pour cadre le milieu de la mode et ses nombreuses dérives. La construction est efficace, alternant flashbacks et passages au présent à mesure que l’héroïne tente de découvrir la vérité sur la mort de son amour perdu. La description de l’univers du mannequinat, avec ses abus en tous genres et ses liens difficilement avouables avec des milieux interlopes, est sans concession, comme l’est la descente aux enfers de jeunes filles désorientées, soumises à un quotidien où la violence est loi. L’intérêt de cette première partie de diptyque réside donc plus dans l’instauration d’une ambiance que dans un scénario en lui-même peu original, faisant même pâle figure, par instants, comparé à une série telle que Cellule poison qui aborde des thèmes semblables, mais est sublimée par un traitement plus audacieux.
Il n’empêche, le résultat est probant et procure un réel plaisir de lecture. D’autant que le dessin de Goethals, sobre et affublé d’une colorisation surprenante, se révèle plus judicieux qu’il n’y paraît à première vue. L’atmosphère rendue convient fort bien aux sujets abordés et contribue à une certaine lenteur dans la narration, renforcée par une voix off aux accents mélancoliques écrite dans un style lui aussi efficace. En définitive, Dans mes veines ne dépareille pas avec la production de cet auteur, adepte des récits empreints d’une certaine noirceur et dont l’œuvre affiche un classicisme assumé.
Dans mes veines met en scène une inspectrice de police dont la préférence va aux femmes. Il n’y a d’ailleurs aucune ambiguïté sur la question car c’est parfaitement assumé. Cela pourra encore rebuter de vieux catholiques nostalgiques ou des moralistes en quête d’une virginité saine. Cependant, l’époque a changé et il faudra bien évoluer avec son temps. Le mariage gay sera bientôt une réalité et tout cela paraitra bientôt normal. Or, cette bd semblait faire de cette spécificité un vecteur pour attirer les âmes bienveillantes humanistes et tolérantes. Certes, mais cela ne suffit pas. Le scénario doit être à la hauteur…
Cela commence par le cadavre de l’ex-petite amie retrouvé de bon matin dans la cuisine pour survoler les milieux branchés de la capitale où l’on aime danser au son hype des disc jockeys. L’ombre de JP Gaultier n’est pas très loin. On va descendre dans les milieux sordides de la prostitution de luxe. Il n’y aura aucune crédibilité dans tout cela tant le personnage central apparaît comme superficielle au même titre que son langage vintage. On ne pouvait d’ailleurs pas faire pire. Aussi, la lecture ne sera pas des plus agréables. Ai-je envie d’aller plus loin ? Pas vraiment.