1889. L’exposition universelle de Paris bat son plein. Dans les allées, une jeune femme contemple avec fierté les piles d’ouvrages signés du nom de sa désormais célèbre sœur, Ida Erkentrud. À des milliers de kilomètres de là, l’aventurière approche de la frontière du Dahomey. Les premiers signes de nostalgie apparaissent, ainsi qu’un début de lassitude à vouloir à tout prix cataloguer tout ce qu’elle croise sur sa route. Il est temps de briser cette relative monotonie… et c’est Fortunée qui en fait les frais. Devenue un peu trop encombrante, cette dernière est abandonnée au beau milieu d’un comptoir allemand, tandis qu’Ida continue, seule, son voyage. Conduite devant le redoutable roi Béhanzin, elle s’apprête à rencontrer, enfin, un personnage digne de son rang.
Ida se serait-elle assagie ? Son parcours à travers l’Afrique lui aurait-elle remis quelques idées en place et permis de relativiser les maigres douleurs subies par son auguste personne ? Au regard de ce qu’elle fait encore subir à son (in)Fortunée compagne de route, la réponse apparaît évidente. Pourtant, quelques prémices de remises en question, quelques larmes coulant sur sa joue, tendent, enfin, à humaniser un tant soit peu ce personnage. Un changement dont la couverture se fait l’écho en opposant deux termes, Candeur et Abomination, et deux visions de l’aventurière, paisible, mais l’arme à l’épaule.
Chloé Cruchaudet entretient parfaitement un savant mélange entre condition féminine au 19e siècle, aventures africaines et humour omniprésent. Dans ce deuxième tome, le choc des cultures auquel est confrontée Ida amène des situations cocasses, souvent drôles. Il permet également de suivre un nouveau duo, Zaka remplaçant pour l’occasion Fortunée. Servie par des dialogues sonnant, la plupart du temps, très juste, l’histoire se lit avec grand plaisir. D’autant que le dessin, en couleurs directes, est très agréable à regarder. La sobriété des paysages africains laisse la part belle aux personnages. L’auteure n’hésite pas à accentuer exagérément quelques expressions, jusqu’à la caricature. L’héroïne est malmenée, presque déformée, mais elle accroît, malgré tout, son capital sympathie, page après page.
Joliment illustré et tournant clairement le dos à un certain classicisme, ce deuxième opus s’affranchit définitivement de toute influence : Chloé Cruchaudet possède bel et bien son propre univers artistique. Une série à découvrir, qui devrait trouver son épilogue dans un troisième et dernier tome.
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Après avoir temporairement abandonnée sa compagne de voyage, Ida poursuit seule ses pérégrinations touristiques au cœur d’un continent trop grand pour elle !
Bien que moins superficielle mais toujours bardée de ses certitudes, notre héroïne passe avec naïveté de l’oisiveté des comptoirs germaniques aux subtilités de la cour du roi Behanzin.
Si son dessin peut (parfois) surprendre, Chloé Cruchaudet sait créer un univers graphique et narratif personnel, alliant futilité et gravité… ce qui en fait tout le charme.