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yant investi Antioche, l’armée croisée est prise en tenaille par les résistants qui tiennent encore la citadelle et les troupes turques qui l’assiègent. La faim et la peste cultivent insidieusement les désaccords et la lassitude. Deux fléaux qui touchent également le Live Noir et Hermance Languedolce, amoureux de la flamboyante princesse Istvana, qui semblent avoir perdu leurs pouvoirs. Lorsqu’enfin les forces conjuguées de la croisade brisent l’encerclement et font tomber le dernier bastion de la ville, une nouvelle épreuve se profile : celle du désert, au bout de laquelle attend Jérusalem. Au pied de la Cité des Rois, apparemment imprenable, au milieu des combats et d'une passion déchaînés, le Live, Hermance et Istvana vont rencontrer leur destin…
Publiés simultanément et parallèlement à l’intégrale en noir et blanc de la série, les deux derniers volets du Rêve de Jérusalem viennent mettre un point final à la fresque de feu, d’acier, de sang imaginée par Philippe Thirault. À l’instar des précédents albums, l’histoire se révèle flamboyante, brûlante, violente dans toutes ses facettes, et prend une dimension tragique à travers les sentiments qui dévorent les trois principaux protagonistes. La Blanche Lance entraîne, à cet égard, sur la piste d’un drame qui culmine dans Ecce homo et y prend également une dimension profondément christique, amenée et rendue avec beaucoup de justesse et de talent par le scénariste. En outre, la combinaison des éléments historiques, fantastiques et sentimentaux confèrent un caractère toujours plus sombre et puissant à un récit doté d’une narration bien rythmée qui alterne voix-off omniprésente – restituant les souvenirs du Live Noir -, dialogues succincts et silences aussi étourdissants que paradoxaux de certaines scènes (affrontements, songes). Les portes du Paradis qui semblent se cacher en Terre Sainte semblent inexorablement se transformer pour les protagonistes en une gueule béante et cauchemardesque menant tout droit aux Enfers : ceux d’une passion par trop exacerbée, appelant une trahison digne de Judas.
Au service de cette histoire sanglante, le lecteur retrouve le dessin rugueux de Lionel Marty qui restitue avec maestria et rudesse la force brute, les sentiments frustes des acteurs, les combats échevelés, les attentes interminables et angoissantes, ainsi que la folie qui sous-tend les albums. Ne s’embarrassant d’aucune fioriture, d’aucun embellissement, préférant au contraire l’absence de concession et s’avérant quelquefois un peu grossier, le trait s’accorde assez bien à la mise en couleurs. Celle-ci joue sur une palette de tons au rendu un peu terne dont, cependant, se détachent des nuances noires et rouges apportant une note grandiose et terrifiante à l’ensemble.
Après des débuts prometteurs, Le Rêve de Jérusalem s’achève par deux tomes à la dimension éminemment épique et passionnée, qui, malgré quelques défauts, en font une série étonnante et peu commune.
>>> Chronique du tome 1
>>> Chronique du tome 2
Une série très agréable à lire...
De l'aventure, des combats épiques, des personnages complexes, du mystère.