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nalyste financier à Tokyo, Satoshi Okada a tout d’un employé modèle. Travaillant loin de son domicile, il passe ses nuits dans une minuscule chambre d’hôtel sans fenêtre en attendant de pouvoir retrouver sa femme et sa fille le week-end. Mayumi Watanabe est une jeune secrétaire de la même société, qui rêve de trouver le grand amour. Junichi, le collègue arriviste et jaloux de Satoshi semble d’ailleurs s’intéresser de très près à la belle employée.
À l’instar de Maël et Bauza avec L'encre du passé, Sylvain Runberg et Olivier Martin livrent ici un manga au formatage franco-belge ou une bande dessinée au parfum asiatique, c’est selon. Au centre de ce récit, le lecteur découvre des relations sentimentales difficiles à assumer au sein d’une société où les apparences sont de mise. C’est en suivant le quotidien de personnages extrêmement attachants que ces histoires vont dévoiler leurs secrets, jusqu’à une fin d’album qui laisse entrevoir des apparences encore plus trompeuses et la perspective d’une deuxième moitié de diptyque très prometteuse.
Si le scénario semble assez classique, il n’en demeure pas moins parfaitement maîtrisé et finalement assez subtil. De plus, la chronique sociale de fond et l’authenticité de l’ambiance nippone ne manqueront pas de séduire. En suivant les pas d’un salary men, les auteurs proposent une plongée au cœur même du monde du travail nippon. Un univers très hiérarchisé, où les heures supplémentaires sont légion et où aller boire un verre avec les confrères jusqu’à la tombée de la nuit est un must afin de faire bonne impression et de recevoir des évaluations positives. Un vie professionnelle faite de solitude, de collaborateurs envieux, de soirées alcoolisées au karaoké et de faux semblant …
Le dessin tout en esquisses d’Olivier Martin, la douceur du lavis et le découpage manga confortent l’aspect contemplatif de l’histoire. Les nombreux non-dits viennent intelligemment renforcer la face cachée de chacun, tandis que les paysages urbains et les love/capsule hôtels parachèvent cette transposition parfaitement réussie des codes culturels japonais.
Une excellente mise en bouche en attendant la conclusion de ce diptyque … et qui sait, peut-être que les auteurs iront même jusqu’à respecter le rythme de parution nippon ?
On se saurait cru dans un roman graphique de Taniguchi avec cependant en l'espèce un côté un peu plus osé. C'est étonnant de voir que les européens sont capables de transcrire totalement les codes du mangas. En tout cas, c'est intéressant comme approche. C'est un vrai manga français avec un trait semi-réaliste tout à fait élégant !
Le récit ne manque pas d'attrait mais on regrettera un grand nombre de pages où il ne se passe pas grand chose mais où les personnages sont décortiqués et connaissent alors une véritable épaisseur psychologique. Le titre en révèle beaucoup trop également, ce n'est pas très subtil. Cette première partie s'achève sur une scène surprenante mais c'est amené de façon bien trop maladroite. Quelques petites imperfections par conséquent.
Famille en crise, hiérarchie et travail prenant : tout les ingrédients d'un drame psychologique. Le second tome va clore cette histoire de manière brillante. Le scénariste Sylvain Runberg avait tout mis en place. Cela sera le temps des révélations après les fausses pistes disséminées ici et là. C'est pas mal !
Face Cachée Tome 1 est un drame psychologique se déroulant à Tokyo, au Japon. On y découvre des employés de bureau aux prises avec des choix professionnels et personnels difficiles. Un salaryman vit isolé de sa famille et perd pied, une jeune employée de bureau doit gérer une hiérarchie accablante au travail et une famille en crise…
Bien sûr ce qui intéressera nombre de lecteurs, c’est que cette histoire est contée sous le prisme de la culture japonaise. Donc ce livre a aussi un aspect documentaire sur la société moderne japonaise. Les auteurs se posent alors le double de défi de traduire une intrigue psychologique en BD – ce qui est loin d’ètre facile – et de faire cela dans le contexte d’une culture qui n’est pas la leur.
Malgré cela l’album est une réussite sur ces deux points. L’histoire nous invite dans l’intimité des personages et prend le temps nécessaire pour nous la décrire – c’est le grand avantage d’un récit long de 150 pages. A noter: une excellente utilisation de séquences muettes évite l’écueil de l’explication par le texte. En cela, le rythme rappelle certains films japonais où l’on montre plus que l’on explique – je vous renvoie à la séquence dans l’hôtel capsule. Etant si proche des personnages, on découvre par la même occasion les détails de la vie japonaise urbaine. Les auteurs montrent un souci du détail et d’authenticité impressionant – je parle ici par rapport à ma petite expérience du Japon. On sent qu’il y a du vécu derrière tout cela ;)
En feuilletant l’album, certains seront peut-être étonnés par le côté esquissé, non-fini du dessin. Pourtant, cette approche graphique libère le trait du dessinateur et lui permet de se mettre au service de l’histoire et des personnages, de s’attarder sur les détails qui comptent, et de suggérer le reste.
Certains se demanderont peut-être: pourquoi lire un livre de deux français sur le japon alors qu’il y a de très nombreux mangas japonais qui nous présentent la culture du pays sous toutes ses coutures?
Ma réponse est que malgré la très grande authenticité du récit, c’est un regard extérieur sur le Pays du Soleil Levant. Les détails et idées que les auteurs ont choisis de nous montrer ne sont pas nécessairement ceux qu’un auteur japonais aurait choisi – et tant mieux.
Vivement le Tome 2!