S
ur fond de deuxième guerre mondiale, Michel Constant (Au centre de Nowhere) propose une histoire à la fois épique et intimiste qui, par moments, tend même vers le conte philosophique. Partant d’une idée de base originale – l’interrogation intérieure de Joseph, un jeune marin allemand, à propos de sa trajectoire de vie, de sa naissance à son incorporation dans la Kriegsmarine -, l’auteur a tenté d’élargir, un peu maladroitement, son discours à une espèce d’étude plus large de la culpabilité allemande dans les exactions du régime nazi.
Tant que le récit s’en tient à la trajectoire du héros, et notamment grâce à de merveilleux textes descriptifs légèrement décalés qui ne sont pas sans rappeler le style du grand René Goscinny, la narration est fluide et légère. Le lecteur suit avec intérêt le difficile cheminement à travers les fracas de la guerre de Joseph et de ses frères, ainsi que celui d’Emma, la jolie voisine violoniste. Pour lier ces différents épisodes de vie, le scénariste a imaginé un pseudo-dialogue entre le protagoniste principal – alors passablement perturbé par des semaines de durs combats en mer – et un phoque plus ou moins imaginaire, à la fois disert et impertinent. Cette idée, grâce à une très bonne réalisation, représente un excellent vecteur narratif. Malheureusement, si ce procédé fonctionne parfaitement pour décrire les sentiments déchirés du héros, il n’est guère efficace quand le discours tente d’intégrer une analyse plus large du conflit. D’interlocuteur bavard, le phocidé se transforme alors en un miroir moral un peu trop déformant. Riche en potentiel, la vie de Joseph et de sa famille aurait peut-être suffi pour nourrir tout l’album.
Graphiquement, le style semi-réaliste favorisé par Constant peut sembler peu adapté. En effet, cette approche, d’habitude réservée à des BD humoristiques, ne paraît guère en phase avec la gravité des thèmes abordés. Etonnamment, il se révèle rapidement des plus convaincant. En effet, la liberté dans la représentation qu’offre cette démarche permet au dessinateur d’utiliser une vaste galerie d’expressions. Sous le pinceau du créateur de Mauro Caldi, les personnages doutent, rient, craignent et redoutent d’une façon très naturelle. Le reste de la réalisation est également très soigné. Les différentes ambiances, particulièrement à l’intérieur du sous-marin, sont très bien retranscrites ; la mise en couleurs, très contrastée de par l’utilisation de tons purs, y est pour beaucoup. Ce parti-pris polychromatique, très franc, souligne et renforce les différentes tensions du récit.
La rue des chiens marins est un album original, au ton très personnel. Malgré un scénario un peu flottant, il reste tout à fait recommandable.
Le récit se passe principalement dans un sous-marin allemand à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Dans ce lieu clastrophobique, on va suivre les délires d'un soldat qui perd la tête à force de converser avec un phoque.
Il n'y aura pas véritablement d'action tout le long de ce récit mi-poétique au scénario très flottant. C'est une lecture à faire sur deux tableaux pour essayer de comprendre le destin de cet homme envoyé au loin par un conflit qui le dépasse.
Je suis resté de marbre face à ce one-shot très bavard et qui n'apporte pas finalement grand chose. Peut-être que la prochaine fois que je croiserai un phoque, je penserai à cette bd philosophique.