G
eronimo a vécu jusqu'à son adolescence caché avec son oncle hors du monde, à la campagne. Il découvre enfin "l'extérieur" embarqué par Ben, Malo et Virgile, des jeunes de son âge, suite à l'hospitalisation du tonton. Au programme : la mer, les filles, la vie entre potes et la civilisation sous forme de brique de lait et de scooter. Mais après les vacances, il se rend compte qu'il ne peut plus vivre comme avant. Il décide de partir. Suite au bonheur et à l'insouciance, c'est la dure réalité du monde des clandestins. Sans papiers, sans travail, sans toit où s'abriter, le quotidien n'est pas tout rose.
La découverte du monde extérieur, de ses atouts et de ses travers, vu par les yeux d'un asocial sympathique, permet à Davodeau et Joub de jouer avec humour sur le registre de la critique de notre mode de vie si matérialiste et pourtant si captivant. La naïveté est idéale pour créer des quiproquos et des situations burlesques sans jamais altérer le potentiel "sympathie" du personnage. L'adolescence laissant la place, un peu trop rapidement, aux difficultés de la vie d'adulte donne un ton assez sombre au dernier tome de Geronimo. Le retour de bâton est rude et la vision d'une partie, le plus souvent niée, de notre monde est amère mais l'espoir reste toujours présent. Davodeau maîtrise toujours aussi bien l'art de traiter les sujets d'actualité en les abordant par la petite lucarne de l'existence de gens ordinaires. Même si Geronimo ne peut pas tout à fait être rangé dans cette catégorie. Sans jamais tomber dans la dérive de la dénonciation outrée ou de la sensiblerie exacerbée, le récit fait la part belle à certaines questions de société habilement mêlées aux plaisirs et aux découvertes que la vie peut parfois réserver. Si le second tome est plus léger, avec l’exploration d’un panel assez large de la jouissance de la liberté offerte par le statut de jeune homme totalement inhibé : les filles, l’amour, les discussions au coin du feu, les escapades en scooter, etc. Le dernier volet est plus sombre, car la désillusion du dur retour à la réalité prouve, s’il en était besoin, que l’existence n’est pas faite que de moments de détente et de bonheur.
Le dessin de Joub, habitué à la bande dessinée jeunesse (Max & Zoé), permet d’accentuer le côté bon enfant et sympathique du récit et adoucit la dureté du propos sans l’annihiler. Les rondeurs du graphisme permettent de lisser la rugosité des thèmes abordés. La justesse des couleurs joue également sur le ton de chaque album en différenciant le deuxième et le troisième, l’un étant lumineux, l’autre plus terne, à l’image de leur couverture respective.
L’ensemble reste cohérent et le triptyque suit une progression presque logique en fonction du thème traité. Une petite aventure humaine qui laisse la porte ouverte à l’espoir sans pourtant être particulièrement heureuse.
Ce troisième tome est moins léger que les précédents, Geronimo retourne à la plage retrouver sa copine, mais c'est l'hiver et les touristes sont partis. Il va se trouver confronter à la dureté de la vie (travail au noir, immigration, sans papier...) loin de l'inscouciance de l'adolescence.
Si le dessin est toujours aussi frais, le propos est plus sombre et la fin bien qu'ouverte ressemble un peu à une pirouette.
Mais cela reste la qualité et l'humanité Davodeau, donc cela mérite d'être lu, d'autant que le dessin est à la hauteur.