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resde, 1937. Alfred Prinz, artiste peintre, décide de partir à Breslau, tant pour retrouver les traces d’un passé qu’il n’a jamais vraiment oublié que pour fuir la montée en puissance du national socialisme. Même si le port de l’étoile jaune n’est pas encore de mise dans les villes allemandes, il n’y fait pas bon vivre pour celles et ceux dont le patronyme a des consonances un peu trop juives.
Difficile pour un auteur souhaitant aborder le thème du nazisme de se démarquer de la pléthore d’ouvrages ayant déjà traité de ce sujet. Johanna adopte un point de vue intéressant en situant son action plusieurs années avant le début de la seconde guerre et en observant l’évolution de l’histoire internationale par le prisme d’un individu isolé, qui tente d’échapper, tant qu’il est encore temps, à un régime qui peut le conduire à sa perte. Le récit prend la forme d’un huis clos et a pour cadre un train arrêté par un arbre qui s’est abattu sur la voie ferrée. À moins qu’il ne s’agisse d’un acte intentionnel. Dès lors, les tensions s’exacerbent et les passagers du train, représentant toutes les parties prenantes au conflit qui s’annonce, passeront le plus clair de leur temps à se regarder en chiens de faïence, s’interrogeant sur les intentions et les convictions politiques de chacun.
L’approche est subtile, voire audacieuse, mais le résultat n’a pas la force attendue. En dépit de personnages que l’on aimerait sincèrement apprendre à connaître, l’auteure manque de constance et dilue son propos en insérant dans cette trame humaine et historique les considérations métaphysiques qui lui sont chères et qu’elle a déjà abordées dans ses précédents albums. Le message perd ainsi de sa vigueur et cette déception est renforcée par un style narratif dont le naturel fait parfois défaut, principalement au niveau des dialogues. Enfin, le crédit d’authenticité dont jouissait Johanna à l’issue de ses précédentes réalisations se réduit comme peau de chagrin en raison du côté par trop caricatural et convenu de certaines situations.
Le suspense induit par la scène finale suscite un regain d’intérêt pour une histoire qui, au fil des pages, aura malheureusement perdu en intensité. Un constat d’autant plus regrettable que le dessin de Johanna, pour qui aime son style délié, apportait une fraîcheur incontestable au genre qu’elle tente ici de revisiter. Le graphisme se pose donc en principal atout d’un diptyque à découvrir malgré tout, comme faisant partie d’une œuvre cohérente qui se construit autour de thématiques fortes.
De Johanna, découvrez :
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Les 6 cygnes
Une par une
Nos âmes sauvages
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