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rwin, l’Allemand, Archie, le Britannique, et Joe, l’Américain, sont revenus, quarante ans après, sur les traces de leur passé, en Normandie. Le retour de ces hommes replonge Julien, le Français, dans des souvenirs douloureux. C’est à Mimoyecques, petit village entre Boulogne et Calais, que les destins des quatre hommes se sont croisés un bref instant, en 1944.
Erwin revoit le jour où il n'a pas dénoncé les travailleurs résistants du S.T.O ayant dressé le plan du repaire du gigantesque canon à longue portée destiné à bombarder l'Angleterre sans discontinuer. Archie se souvient du décodage du message localisant la base secrète germanique. Joe Bubble revit le largage de la bombe sur ces lieux, enterrant pêle-mêle ouvriers forcés et soldats allemands. Julien se remémore cette nuit funeste où il a profité de la panique pour régler ses comptes avec Laure...
Depuis deux tomes, War and dreams fait hésiter le lecteur entre plaisir et déception. En effet, là où le début du titre laisse imaginer quelques grands faits d’armes et quelques combats épiques, Jean-François et Maryse Charles préfèrent se pencher sur les relations humaines qui expliquent, à leur niveau, certaines tragédies et soulignent combien un conflit peut marquer une existence. Leurs protagonistes possèdent donc les travers et les qualités de tout un chacun et leur histoire personnelle est rendue plausible par sa simplicité et son attachement à l’essence même de l’homme. Ils n’en sont donc que plus proches et plus attachants – du moins certains.
Toujours à coup de flash-backs trimballant des années 90 aux années 40 avec plus ou moins de bonheur, les auteurs ne manquent pas de mettre en avant des points délicats de la seconde Guerre mondiale à travers, entre autres, des romances qui tournent mal ou qui pourraient sembler improbables. L’idylle entre Erwin et Opale en est l’exemple le plus criant puisqu’il cristallise à lui seul non seulement les collaborations à “l’horizontale”, chèrement payées par celles qui s’y étaient engagées, mais aussi les véritables amours qui ont existé entre des Allemands et des Françaises durant l’Occupation. Cependant, on regrettera que la tension dramatique qui aurait pu en découler une fois Mimoyecques libérée, n’apparaisse finalement pas dans ce troisième tome, le public ne pouvant qu’imaginer ce qui est advenu de la jeune femme à la Libération. Ajoutons également que le duo fait preuve d’une bonne connaissance de cette page sombre puisqu’il n’hésite pas à montrer ce qui a été longtemps tu, à savoir le comportement, parfois sauvage, des Alliés, à travers l’aventure de Joe Bubble, personnage relativement antipathique et dont la chute est largement préparée dans les albums précédents.
Ce parti pris des Charles de camper un soldat de la Werhmacht des plus sympathiques et un aviateur américain alcoolique et violent laisse penser qu’ils ont voulu s’affranchir d’un découpage trop manichéen - les méchants teutons d’un côté (il y a quand même Monhke, le nazi convaincu) et les bons de l’autre. C’est aussi sans doute pour cela que la Résistance est montrée sous ces deux aspects, le père d’Opale incarnant l’homme épris de liberté, le juste, tandis que Julien, corrompu par la jalousie, profite du réseau pour laver son linge sale. Par ailleurs, loin de terminer leur récit à la fin de la guerre, les auteurs ont choisi de donner un aperçu du destin de certains par la suite. C’est ainsi qu’Erwin livre ces souvenirs des quatre décennies qu’il a passé en Union soviétique comme prisonnier et qu’Archie retrouve, en Egypte, le fruit de son aventure avec Sahara. Ce sont donc bien des vies complètes qui s’étalent sur les pages des trois volets de War and Dreams et qui sont résumées – avec des silences qui en disent longs – dans le hors-série Des fantômes et des hommes. Ce dernier se présente comme une suite de témoignages et d’entretiens accordés à une jeune historienne française travaillant sur cette époque troublée. Il n’apporte rien de nouveau au scénario mais se contente d’insister sur l’importance de la transmission aux générations futures.
Enfin, le dessin de Jean-François Charles séduit par sa beauté et ses formes légèrement brouillées, comme les cieux de cette côte d’Opale qu’il affectionne et qui sert de cadre au récit. Les protagonistes sont expressifs et s’intègrent parfaitement à des paysages travaillés à l’aquarelle, et semblent vouloir s’y fondre, comme s’ils faisaient, eux aussi, partie intégrante du décor. Les teintes douces se marient bien avec la nostalgie du propos, le regard porté sur le passé et confère quelque chose de mélancolique et romantique à l’ensemble. Néanmoins l'impression tenace d'un trop peu, d'un trop fade pour le thème choisi, persiste, comme s'il manquait quelque chose. L'intensité, peut-être. Dommage, car la série elle-même ne manque pas d'intérêt par bien des aspects.
Très beaux dessins, bonne ambiance, personnages... Mais les auteurs ont oubié de conclure leur histoire. Un goût de trop peu.
Le passage d'une époque à l'autre est une bonne idée mais ça peut lasser à la longue. Les dessins somptueux de JF Charles apportent beaucoup à la série.
Fin du récit croisé de l'histoire de ces quatre vétérans de la dernière guerre qui ont un point commun même s'ils ne se sont pas forcément rencontrés. Et plus que leurs rêves, c'est leur cauchemars qu'ils vont réussir à vaincre en se replongeant dans leur passé sur la côte d'opale.
Les histoires sont fortes et reflètent bien les drames créés par la guerre dans tous les camps, et relativisent la notion de héros.
Et tout ça mis en image avec les dessins somptueux de JF Charles, cette série est en plus un très bel objet.
A lire absolument.