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vec Ville de fumée, deuxième tome de sa trilogie berlinoise, Jason Lutes (Double fond, L'automne) poursuit son exploration de la ligne claire et de l’Allemagne de l’entre-deux guerres. Au carrefour des genres littéraires, ce roman graphique tout à la fois baroque, romantique et picaresque s’emploie à décrire la décomposition de la République de Weimar, à révéler la tension entre un monde qui se désintègre et le nouvel ordre à venir. Le mouvement de l'Histoire s'accélère, et l'on sait, depuis lors, vers quoi courait l'Europe.
Au cœur de l’épopée, aux racines du mal, il y a Berlin : cité grouillante le plus souvent, vociférante parfois, effrayante aussi. On ne voit et on n’entend qu’elle : la rumeur des quartiers, le roulement des tramways, la frivolité bourgeoise, l’agitation des classes ouvrières, le silence criant des petites gens. Des milliers de voix à peine entendues et qui se confondent, un chaos que l’auteur réussit à maîtriser par le classicisme de son trait et un sens aigu de la composition, ainsi que par une grande rigueur dans la figuration des personnages. Cette grammaire formelle, quasi fonctionnelle, loin de peser sur la narration, lui confère une admirable fluidité, un rythme très particulier, où, jamais, l’appareil historique - pourtant fourni - n'encombre le développement des personnages ou du récit. Pour créer une forme lyrique étroitement liée à l’Histoire, Jason Lutes parvient à faire la somme d’une rue, d’un quartier, d'immeubles et d’hommes, à faire sonner la ville dans le récit.
Et tandis que les premières notes de l’hymne barbare résonnent et que chacun s’oblige à choisir un camp, Jason Lutes accorde un dernier instant aux pacifistes, aux amoureux, aux libres esprits. Un répit, avant que la parenthèse ne se referme brutalement.
» La chronique du premier tome, La Cité de pierre, par F. Mayaud.
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