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artin est écrivain, il vit à Bruxelles. Il tente de reconstituer une histoire, celle qu'il a vécue à Tétouan, au Maroc, il y a quelques années. Ce temps passé sur le sol nord-africain, si bref qu'il fût, l'aura marqué à jamais. Pour mieux se remémorer les événements, mais surtout pour rechercher son ami Abdellatif, dont il a perdu la trace depuis longtemps, il décide de se rendre sur place.
Le Maroc, tel qu'il apparaît sous les coups de pinceaux de Denis Larue, a quelque chose d'envoûtant. Avec l'aide de Christian Durieux au scénario, il dresse un tableau tout en nuances, sans manichéisme ni complaisance, et surtout sans poser de jugement. L'histoire dépasse toutefois le cadre d'un simple carnet de voyage, car, bien que le décor soit décrit avec soin et que la société marocaine occupe une place de choix, ils ne prennent jamais le pas sur le destin des personnages. Ceux-ci s'avèrent attachants, fragiles face au monde mais déterminés dans leurs quêtes et leurs aspirations. Le caractère des différents acteurs en présence et la réalité de la vie quotidienne sont plus suggérés que véritablement décrits. L'approche adoptée par les auteurs est admirable à cet égard : par une utilisation subtile des silences, des cadrages, de quelques mots choisis avec soin ou encore de différents éléments glissés dans le dessin, ils font le choix d'une économie de moyens pour en dire bien davantage.
Les deux comparses font reposer leur récit sur une série de thématiques dont la principale est certainement celle du temps qui passe, effaçant les souvenirs et altérant la réalité. Le dessin illustre ce sujet avec une grande force par un rendu très figé, présentant le récit comme une succession de prises de vue, d'instantanés qui servent de support à la mémoire des hommes. Car la voie du souvenir n'est pas celle que l'on emprunte naturellement et, comme Martin l'apprendra, celui qui choisit cette option peut se heurter à une certaine opposition. D'autres thèmes forts enrichissent le propos des auteurs. Le passage de l'enfance à l'âge adulte tient ainsi une place prépondérante, avec ce qu'il implique de renoncements lorsque vient le moment de confronter ses rêves à la réalité. De la même manière, l'oubli est souvent pour les personnages un véritable moyen de survie, une tentative de se soustraire à une répression qui a déjà fait tant de ravages.
Pour faire passer leur message, Denis Larue et Christian Durieux n'ont pas besoin d'artifices, conscients de la force des symboles. L'omniprésence des marques commerciales suffit à démontrer l'attrait que peut avoir l'Europe pour une jeunesse marocaine en mal de richesse, tout comme un simple sac en plastique emporté par le vent peut revêtir tour à tour plusieurs significations, pensée qu'on laisse dériver ou souvenir qui s'échappe, ou plus prosaïquement désir de liberté qui se fait jour. La justesse de la mise en scène et la beauté des jeux de lumière donnent à ces symboles une grande puissance, et le rythme lent imposé par une narration parfaitement maîtrisée laisse le temps au héros de retrouver le fil de sa mémoire et de l'accorder à la réalité.
Riche dans son propos et séduisant dans sa forme, La maison d'Ether est un récit précieux, mêlant à la description d'une vie parfois difficile un brin de poésie et d'humanité qui réchauffe le cœur.
Je n'ai pas du tout été touché par cette histoire sur le plan de l'émotion. Cela arrive parfois. Un homme souhaite retourner aux sources et retourne pour cela au Maroc. On découvre un beau pays mais également avec sa face cachée à savoir un roi qui jette ses opposants en prison. C'est évoqué avec insistance. Il y a comme une espèce de surplace dans des scènes un peu contemplatives. Un sachet s'envole et on le retrouve ici et là au gré du vent.
Il y a également la place de la femme qui est évoquée avec la vision européenne en tout début d'album. C'est marrant de faire cette comparaison sur l'inversion des rôles. Pourtant, la réflexion s'arrête à des constats sans aller plus loin. Au final, c'est une lecture qui ne semble rien apporter de nouveau.