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Pest 1. Le Défosseur

28/09/2004 11871 visiteurs 7.3/10 (9 notes)

A u centre d'un sombre marécage se dresse Spleen City, improbable cité loufoque juchée sur de fébriles armatures métalliques. Autour, une terre dévastée, sans fin, sans espoir. Car c'est bien la désolation qui règne sur cette ville en proie à une maladie incurable: la PEST. Abélard Tournemine est un simple citoyen de Spleen City chargé d'effectuer des relevés dans les marais alentours. Il va y faire une découverte qui va bouleverser sa vie et celle de tous les habitants de la ville.

Scénariste protéiforme s'il en est, Corbeyran se fait ici créateur d'univers : une ville un peu folle perdue au milieu de nulle part, des décors désuets mais impossible à replacer dans le temps, bref aucun repère d'aucune sorte. Nous sommes invités à accepter la ville et ses habitants tels qu'ils nous sont présentés, sans poser de question. Et ça fonctionne, à tel point que tout nous paraît parfaitement naturel. Nous suivons les aventures d'Abélard avec passion, même sans rien connaître du monde qui l'entoure. D'autant plus facilement d'ailleurs que nous retrouvons dans cette ville délirante des aspects qui ne nous sont pas étrangers. Comment réagit-on face à une épidémie de telle sorte ? Comment les autorités gèrent-elles la crise ? Certaines informations ne seront-elles pas tenues secrètes ? Des sectes et autres mouvements occultes ne vont-il pas se mettre à fleurir ? La croyance ne peut-elle être d'aucun secours ? Bref, sous des airs de pure fiction, cet album nous renvoie à ce qui nous entoure, à ce monde qui, finalement, n'est que trop réel. Sous des dehors fantaisistes se cache une satyre bien sentie de notre société, comme pour nous rappeler, avec beaucoup de légèreté, le fond de la nature humaine.

L'univers mis en place dans Le défosseur n'est pas sans rappeler La digue, un album dans lequel la bureaucratie outrancière était dénoncée par un Corbeyran déjà très inspiré. Il n'est d'ailleurs pas surprenant de voir à quel point ces deux univers sont proches d'un point de vue graphique. Le trait d'Alfred laissait de côté tout réalisme, notamment dans le traitement des personnages, pour mettre l'accent sur l'exubérance du monde qu'il décrivait. Pour le présent album, Bouillez opère dans le même registre, avec un côté plus délirant encore du au physique extravagant des personnages et à toutes les mécaniques qui les entourent. Ceux qui avaient apprécié son dessin sur Le phalanstère du bout du monde ne seront pas déçus par cet album pour lequel l'auteur allie son trait d'une grande finesse à une mise en couleurs fort pâle, presque aseptisée. Uniforme et grisâtre, elle reflète à la fois la tristesse qui plane sur la ville et le semblant d'ordre et de propreté que les autorités s'échinent à maintenir, comme pour préserver les apparences.

Annoncé en deux parties, ce récit sort allégrement des sentiers battus de la production actuelle et dépasse de loin le simple tome d'introduction. Voilà qui devrait séduire le lecteur saturé de séries à rallonge et trop souvent pauvres en personnalité. Par un savant mélange d'étrangeté et de réalisme, de mystère et de révélations, Corbeyran et Bouillez nous offrent ici un album atypique qui, espérons-le, ne devrait pas passer inaperçu parmi les innombrables sorties de la rentrée.

Par D. Wesel
Moyenne des chroniqueurs
7.3

Informations sur l'album

Pest
1. Le Défosseur

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Note: 4.0/5 (98 votes)

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 02/12/2020 à 08:23:05

    C'est prévu pour être un diptyque mais cela fait déjà 4 ans qu'on attend impatiemment la suite. C'est beaucoup trop long et cela peut nuire à l'émergence de cette bd très intéressante.

    Je trouve que le scénario (signé du grand Corbeyran) est très bien construit sur le thème de l'épidémie d'une maladie et de son utilisation par un pouvoir despotique aidé par les médias. Le récit de ce jeune homme naïf qui va faire une découverte troublante m'a tout de suite séduit. Que dire également de cet univers original très burtonesque entre rues atypiques et machines incroyables!

    J'ai bien aimé le style graphique gris-clair et précis mais beaucoup moins les personnages loufoques qui m'ont rappelé ceux de Horologiom. Ce mélange entre un sujet gravissime et cette légèreté ne m'a pas semblé judicieuse. C'est vrai qu'on pourra objecter que c'est pour atténuer une histoire déjà plutôt sombre mais en réalité j'aime bien la noirceur. Dans ce récit, il y a ce mélange entre réalisme et étrangeté qui ne manque pas d'intérêt.

    nagan Le 02/09/2005 à 15:34:07

    Bel album avec un dessin très spécifique et très fouillé. L'univers qui y est décrit est très bien imaginé et fait cohabiter poésie des dessins avec finesse du scénario, très prenant. Le tout réussit à rester cohérent. Une belle inventivité!

    okilebo Le 08/04/2005 à 22:42:57

    Trois ans auront été, parait-il, nécessaire à Amaury Bouillez et Eric Corbeyran pour élaborer cette série prévue en 2 tomes. Et c'est tout à fait plausible car il faut avouer que cet univers n'a rien de conventionnel.

    Le scénariste nous plonge dans une atmosphère peu commune et qui ne manque pas de charme. Au niveau du sujet, à lui tout seul, le titre est déjà très evocateur.
    Oui, vous aurez compris que le scénario tourne autour de cette maladie et travers cela , Corbeyran nous sensibilise au pouvoir despotique incarné par des dirigeants manipulateurs, aveuglés par l'argent au détriment d'une population au bord de l'agonie. Nous suivons donc les aventures d'Abélard, un jeune homme naïf mais honnête qui va faire une découverte déterminante pour l'avenir de ses concitoyens. La base du récit est assez réaliste et dramatique pourtant en lisant cette bd, on remarque que le ton est très léger. L'ambiance générale est plaisante et les personnages décrits, ici, ne manquent pas de charme et de personnalité. Que ce soit leur moyen de locomotion ou leur manière de s'habiller, tout , ici, est different comme issu d'une autre planète. Une chose est sûre, Corbeyran a beaucoup d'imagination et on ne s'en plaindra pas.

    Les premiers mots qui me viennent à l'esprit pour evoquer le dessin d'Amaury Bouillez c'est subtilité et légèreté. Son traît est très agréable et les couleurs pastelles accentuent encore plus cet aspect. Les personnages sont craquants et loufoques à souhaits, un peu à l'image du scénario. Chacun d'eux à quelque chose de particulier qui le met en valeur. En résumé, une galerie de portraits riche et attrayante.

    J'ai passé un très agréable moment en lisent Pest, c'est donc tout logiquement que je vous recommande cette série.
    A suivre !