B
ob Morane est de ces personnages qu'on se réjouit toujours de retrouver, chaque nouvel album apportant son lot d'aventures qui ne manquent jamais de nous faire passer un bon moment. C'est donc avec envie que l'on s'approche de ce nouveau tome.
Mais l'envie fait bien vite place au doute, tant le héros qu'on nous présente en couverture n'a rien en commun avec le Bob Morane que nous connaissons tous. Le dessin léché et hyper réaliste de Coria a en effet fait la place au trait de Franck Leclercq qui, pour cet album, manque cruellement de charme. En plus de personnages méconnaissables, ses planches sont d'un niveau si médiocre qu'on peine à se rappeler le travail d'exception qu'il effectua sur le troisième et dernier tome de Fée et tendres automates. On est ici à mille lieues de ce style si flamboyant qui lui avait permis de succéder si brillamment à Béatrice Tillier. Les planches sont vides, les décors artificiels, les personnages inexpressifs, les couleurs fades et le découpage, qui se veut ici un rien plus moderne, totalement inadapté. Malgré l'extravagance de certaines intrigues, la série était toujours parvenue à garder un réalisme apparent grâce à un graphisme dans la plus pure tradition franco-belge. Or, c'est avec l'impression de se plonger dans un mauvais jeu vidéo que commence la lecture de cet album.
On retrouve dans cette nouvelle aventure les éléments qui ont fait le succès de la série depuis ses débuts, mais l'ensemble se révèle peu concluant. Henri Vernes n'est plus le conteur de jadis et s'empêtre ici dans une histoire sans queue ni tête, et sans intérêt véritable pour le lecteur en quête de surprises et de rebondissements. Nous suivons Bob Morane et Bill Balantine dans un périple entre plusieurs mondes reliés entre eux par une série de portes qu'il est impossible de franchir en sens inverse. Ils sont donc contraints de continuer. Dans chaque monde, ils doivent faire face à plusieurs ennemis et aux tensions internes qui affectent le groupe qui s'est formé autour d'eux. Mais nos deux compères triomphent trop facilement pour que l'on ressente le moindre suspense. Par ailleurs, le manque d'informations sur les peuples et créatures qu'ils affrontent finit par tarir notre intérêt. Bien sûr, certains mystères nous seront révélés dans les deux prochains tomes qui clôturent le cycle d'Ananké. Mais n'y trouvons point d'excuses : ce tome d'introduction ne donne pas du tout envie de découvrir la suite.
Pour conclure, disons que cet album n'aurait certainement jamais du voir le jour, et ce pour plusieurs raisons : il dénature une série devenue mythique, il empêche peut-être les plus jeunes lecteurs de redécouvrir les autres albums et il gâche l'immense talent de ses auteurs. Espérons que la trilogie Ananké sera une parenthèse dans la vie de Bob Morane et que notre héros préféré retrouvera bientôt son apparence d'antan.
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