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Promonthia, il ne fait pas bon être détective privé, surtout lorsqu'on se nomme Fergus. Alors quand une bande de types armés jusqu'aux dents se pointe pour proposer un contrat sur la tête d'un ancien pote, ça se corse encore. Le pote en question, c'est ce bon vieux Marcel « la poisse », qui a le don d'attirer les ennuis sur lui-même mais aussi sur ceux qui l'entourent. Ce brave gars est devenu le premier spam vivant mais a trouvé moyen de fausser compagnie à tout de monde. Contrat pourri en somme. Impossible de refuser. Cette enquête ne sera pas de tout repos, surtout que les spots de publicité n'offrent aucun répit, pas même pendant le sommeil.
Il aurait pu être un détective banal, cherchant quelqu'un de banal dans une ville banale, pour une banale bande de voyous et l'histoire aurait quand même été bonne. Mais les auteurs en ont décidé autrement. Loin du polar classique, ils dévoilent un univers d'anticipation, riche et très travaillé, aussi bien scénaristiquement que graphiquement. Ainsi, la lecture possède plusieurs niveaux : la recherche de Marcel, riche en rebondissements et ressorts burlesques s'enrichit de la description d'une société où la publicité envahit jusqu'aux êtres humains et entrave leur progression (au sens propre, comme au figuré). A moins que cela ne soit l'inverse...
En plus d'un ensemble innovant, le lecteur prend plaisir à retrouver le ton classique de la BD policière. Le personnage de Fergus reprend les clichés du détective : dragueur, fumeur, toujours fourré dans les ennuis. Les ressorts comiques, tel l'incursion des spams à des moments inopportuns et les petits détails graphiques distillés habilement par Pietro, comme le rat porteur d'une pub pour un poison, contribuent à bien ancrer le récit dans les styles qu'il revendique.
L'association des deux auteurs espagnols fait mouche, Pietro illustrant à merveille la complexité de l'univers décrit par Agrimbau. Aucune donnée n'est laissée au hasard : dialogues, décors, personnalités ou encore apparition des spams sont tout à fait pertinents. A la densité du scénario s'ajoute le volume graphique. Le choix des angles de vues, des couleurs à l'aquarelle et le trait fin donnent une forte personnalité. Il en résulte une narration fluide et dynamique permettant de plonger au mieux dans l'aventure.
L'audace paye, c'est bien connu. En utilisant un univers peu exploité en bande dessinée, les auteurs réussissent à renouveler le genre policier. La construction graphique à elle seule est un régal, mais l'ensemble fait de Fergus, détective publicitaire une œuvre enthousiasmante. Dommage qu'elle soit si courte.
Tous les codes de de l'histoire policière sont au rendez-vous (détective privé sans le sou et flambeur pourchassé par des tueurs patibulaires) mais transposé dans un univers de science-fiction où le virtuel s'empare du réel avec pleins de détails qui renforce l'impression d'un monde dominé par les messages publicitaires. Plein d'humour et de rebondissements improbables, un dessin très expressif et très clair, cela fait une bonne histoire agréable à lire.
Dommage qu'il n'y ait pas de suite, cet univers aurait mérité d'être approfondi.