C
loyes, 1212. Dans une France frappée par la misère, Bastien, Lili, Anatole et les jumeaux usent de tous les subterfuges pour trouver pitance, au grand dam de commerçants qui commencent à en avoir ras-le-bol de ces jeunes affamés qui traînent dans les rues. A l’inverse de ces petites frappes, Etienne est fort apprécié des villageois et lorsque le jeune berger affirme avoir été visité par un ange, beaucoup s’accrochent à ses visions et se joignent à une grande marche populaire visant à délivrer Jérusalem des Infidèles. Dans l’ombre, certains individus malveillants semblent néanmoins influer la destinée tragique qui se met en route.
Située entre la quatrième et la cinquième croisade, l’intrigue s’inspire de l’expédition française menée par Étienne de Cloyes qui, tout comme celle partie simultanément d’Allemagne, n’arriva probablement jamais en Terre Sainte. Des cortèges de pauvres paysans que Fabrice David, l’auteur remarqué de Servitude, Live War heroes et Les voies du seigneur chez le même éditeur, sort de l’oubli en publiant cet album. Le fait de prendre des enfants de Cloyes pour héros, permet de montrer comment ceux-ci ont pu se retrouver au sein de cette aventure, parfois contre leur gré. D’autre part, les rôles joués par Eudes, l’ancien chevalier atteint par la peste, et le Vieux de la montagne, l’énigmatique chef de la secte des Haschischins, permettent de semer le doute quant à la véritable origine de ces pèlerinages de miséreux. Développées en parallèle, ces histoires qui entretiennent la thèse d’une possible machination ne sont malheureusement pas suffisamment exploitées. Si le format one-shot empêche de donner de l’ampleur aux personnages et d’explorer des pistes pourtant intéressantes, la fin extrêmement abrupte ponctue ce récit choral d’une solide fausse note et ressemble finalement plus à un jet d’éponge qu’à un raccourci scénaristique imposé par le nombre de pages restreint.
Côté visuel, Luca Malisan propose un dessin soigné et d’une grande lisibilité. Coloriste sur de nombreuses autres séries (Eden killer, S.A.S., Section financière, Le Siècle des ombres, Le Syndrome de Caïn et Uchronie(s) - New Byzance), il signe ici sa première réalisation graphique en solo. Usant d’un trait réaliste et d’une colorisation informatisée, le dessinateur ne parvient cependant pas toujours à faire ressortir la misère de pèlerins dont la survie dépend souvent de la générosité des habitants des villages qu’ils traversent, ni à exprimer toute la détresse et le désespoir de cette aventure tragi-historique bercée par la pénurie et la maladie.
Trouvant ses origines dans la foi et la famine et souffrant d’un fond historique trop flou, La Croisade des Enfants n’atteint jamais la terre promise et abandonne le lecteur sur sa faim.
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