D
ans un pays qui régule la société en éliminant arbitrairement un jeune de 18 à 24 ans sur mille au moyen d’une capsule mortelle injectée lors de l’entrée à l’école, délivrer l’ikigami annonçant aux condamnés leur décès dans les vingt-quatre heures est une tâche lourde et ingrate. Fujimoto en sait quelque chose, lui qui vient de se faire plaquer par sa copine à cause de son funeste métier. Malgré cela, il poursuit son travail, s’interrogeant toujours sur la meilleure façon de faire face aux victimes de ce système. Ce mois-là, le sort désigne la petite amie esseulée d’un apprenti cinéaste toxicomane, prête à tout pour lui venir en aide, et un aide-soignant maladroit devenu le soutien indispensable d’une vieille dame qui revoit en lui son époux mort à la guerre… Comment réagiront-ils en apprenant leur prochain décès ?
Après un rapide rappel du contexte général dans lequel évolue le livreur Fujimoto, Motorô Mase reprend dans ce deuxième volume d’Ikigami le même schéma que dans le précédent. Au travers des vies brusquement condamnées de Kazusa et Takebe, il met en avant la problématique liée à la « loi pour la sauvegarde de la prospérité nationale ». L’idée même de cette dernière et celle qu’un arrêt arbitraire puissent décider de l’existence ou de la disparition des citoyens selon des critères mal définis font froid dans le dos. Ces sueurs glacées, le lecteur les retrouve de visu, grâce au dessin expressif de l’auteur, dans la scène d’ouverture lorsque le livreur rétorque à son ex qu’elle tient un discours un petit peu trop subversif puisqu’elle ne s’extasie pas devant son métier, ou lorsque les sacrifiés reçoivent leur « ikigami ». Le fatalisme passif de la population et l’apparente absence d’interrogations, alliés au réalisme des situations et des histoires individuelles laissent aussi effrayé que pantois, tout en contribuant à générer cette atmosphère si singulière, propre à la série. Dans ce tome, la peur panique prédomine dans le premier récit tandis que le second soulève plus profondément la question de la résignation et de l’acceptation ainsi que des réponses qui y sont données par les cellules de soutien. Deux réactions opposées donc, bien que très plausibles, avec pour point d’orgue l’utilité même de l’existence de ces êtres éliminés dans la fleur de l’âge. Quelques passages permettent d’observer également la mécanique du système, dont les rouages paraissent peu ou mal huilés, sans toutefois aller plus loin dans cette direction.
Un manga qui met mal à l’aise mais plutôt prenant. Espérons cependant que, par la suite, le scénario ne se contente pas de suivre quelques destinées brisées et s’attache aussi à développer le fil rouge rouge indispensable pour ne pas tomber dans une routine répétitive.
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