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uand au passage d’un tunnel sa coccinelle VW se transforme en Chevrolet sport et que la ville fait place à un désert, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Colin ne serait-il pas en train de rêver ? Et si, comme le suggère la femme du marchand de sable, il s'agissait d’une réaction inconsciente face à la naissance prochaine de son premier enfant ?
Nicolat Vadot (Norbert l’imaginaire, 80 jours) signe avec Neuf mois son premier album en tant qu’auteur complet. La naissance d’un enfant – surtout le premier - est un évènement à la fois extraordinaire et inquiétant. L’auteur a choisi la forme du récit métaphorique pour raconter ce bouleversement. Colin se retrouve perdu dans un désert blanc, guidé par deux personnages, le terre-à-terre Marchand de Sable et sa femme, la profonde Morphée qui vont l'aider à vaincre ses peurs et trouver quelques réponses. Vadot ne laisse planer aucun doute sur son propos : dès la première « visite » de Colin dans le désert, il avertit, via un clin d’œil à Little Nemo de Windsor McCay, de la nature onirique de cette histoire. Le traitement est serré, avec une tendance à être un peu trop personnel par moments. Sur la longueur, le lecteur peut se sentir exclu du récit qui se transforme peu à peu en une affaire entre l’auteur et sa situation. Mis à part ce petit glissement, Neuf Mois est passionnant à lire. Vadot regorge d’idées et surtout d’humour dans le développement de son propos. A l’instar d’un Terry Gilliams dans Brazil, il a su intégrer les classiques du genre (Freud, la psychanalyse, les symboles) d’une façon complètement décalée, rendant la lecture surprenante et captivante. De plus, la juxtaposition de décors inspirés de l’Australie - nouveau pays de résidence de l’auteur - et de Paris renforce le sentiment d’égarement de Colin. Une nouvelle vie qui s’en vient, un nouveau pays à découvrir, Vadot a su exploiter tous ces éléments pour nourrir cette fable, en fin compte, quasi-autobiographique.
La réalisation graphique a été très travaillée. Vadot utilise de nombreuses techniques issues de l’animation dans sa façon de raconter : décomposition de l’action en plusieurs cases, zooms et agrandissement de détails. Dans le même temps, son trait reste classique et parfaitement lisible. L’utilisation de couleurs franches souligne très habilement les changements de rythme du récit. Plus que du simple « coloriage », elles sont un acteur à part entière de la narration.
Neuf mois est une BD intimiste et très personnelle, mais qui n'oublie pas d'être puissante et généreuse. Nicolat Vadot livre avec force et humour son expérience du mystère de la vie et des angoisses qui y sont associées.
A consulter également :
la chronique de 80 jours,
la chronique du tome 3 de Norbert l’imaginaire,
le blog de Nicolas Vadot.
Pour une première série de cet auteur, c'est plutôt bien parti. Notre héros qui va devenir papa est au volant d'une coccinelle qui se transforme en Chevrolet après le passage d'un tunnel. Il se retrouve dans une dimension étrange où le grand requin blanc flotte dans les airs prêt à vous dévorer à chaque instant. Oui, il pénètre dans une étrange contrée où il ne sera pas au bout de ses surprises ...
Il se fait accueillir par une espèce de clone de Sigmund Freud qui lui lance: "Vous n'êtes pas venu ici par hasard. Ici, c'est comme le Liechtenstein, on n'y va jamais par hasard. Alors, c'est quoi votre problème ?" Réponse de l'intéressé : "C'est ma femme, elle est enceinte"...
Les influences de l'auteur sont diverses. Il y a même un clin d'oeil à Little Nemo, le pionnier de la bande dessinée. Le style fluide et dynamique rappelle également Enki Bilal. C'est visuellement beau. L'auteur a réussi incontestablement à reconstituer un univers onirique et poétique qui lui est propre. Le charme va opérer tout doucement et vous ne pourrez être que conquis !
On se plonge véritablement au coeur des angoisses intimes sur la difficulté d'être père. Cet ouvrage est une véritable psychanalyse de l'âme humaine. Neuf mois est le temps qu'il faut pour que le bébé soit conçu. C'est également le titre de cet ouvrage comme une ultime parabole de la grossesse nerveuse d'un futur papa. Bienvenue dans le monde où le rêve va rejoindre bientôt la réalité !