Merci Patron !, comme Le travail c'est la santé, c'est plutôt le credo à fredonner de la joyeuse bande de Rinaldi ou d'Henri Salvador. Mais c'est aussi un cri d'alarme pour promouvoir la santé, physique et psychologique, des ouvriers qui devrait être aussi le principal souci des employeurs. Sites pollués, drame du licenciement, restructurations, délocalisations, autant de situations que d'injustices. Six auteurs européens pour six histoires. Auteurs de tous les pays, unissez-vous !
La BD comme mode de propagation du message syndical ? Pourquoi pas. Ce n'est pas la première fois que l'on voit des petits strips reprenant des slogans ou des pensées de syndicalistes. Tout employé dans une grande ou moyenne entreprise a pu en lire sur des tracs ou des affiches. Là, le processus va bien plus loin puisque cinq syndicats et organismes européens se sont unis tous ensemble, tous ensemble (Oups ! Je m'égare…), pour produire un album réunissant six récits ayant pour thème la santé au travail. Principal regret, c'est que cette santé est vite utilisée comme propagande anti-patron, unique responsable de tous les maux des ouvriers spoliés et maltraités, c'est bien connu. Bien entendu, certains faits sont bien réels et le quotidien malheureux de nombreuses personnes à travers l'Europe. Mais l'aveuglement et la croisade anti-chef rend le propos partial et donc forcément moins pertinent. D'autant plus que le seul remède proposé à ce fléau semble être le bras de fer (grève, manifestation, etc.). Le message est clair : "Tous des pourris !" C'est caricatural mais c'est ce qui ressort d'une lecture peut-être influencée par la présence du logos de la CGT (éditeur pour l'occasion) sur la quatrième de couverture.
Les auteurs étaient-ils libres ou le cahier des charges était-il draconien ? Sachant que Albert Dandrov (Amiante - chronique d'un crime social ) a assuré la totalité des scénarios, laissant le dessin à divers auteurs européens (quatre français et un espagnol), on peut penser que la diversité culturelle n'a pas dû beaucoup s'exprimer. De là à imaginer que la vision est plus celle d’un journaliste engagé que celle d’ouvriers, même fictifs, il n'y a qu'un pas à faire. Une pluralité de signatures, faute de diversité réelle de points de vue, aurait rendu l'ensemble plus crédible. D'autant plus que les histoires ne sont pas dénuées d’une certaine qualité. Super G dessinée par Oriol, pleine d'humour et de rêverie du regard de l'enfant et La mine sur un model d'autogestion par les mineurs actionnaires. Les autres sont moins indispensables et sans surprise mais ne sont pas sans intérêt. Les textes qui accompagnent chaque récit éclairent quelque peu le contexte sans pour autant le nuancer.
Cet album reste un vecteur de propagande et doit être pris comme tel. Point de méprise, le contre-pouvoir est indispensable mais rendre le propos objectif est une arme bien plus efficace pour sensibiliser que le simple discours du camarade de base. Merci patron ! est donc un pamphlet à la gloire des syndicats, destiné à être distribué aux militants, qui sont pour la grande majorité, déjà convaincus que le mal est dans le camps d'en face. Le débat n'avancera pas et il y a fort à parier que si le Medef utilisait le même média, la réponse du berger à la bergère aurait le même goût de pensée unique.
A noter : distribué dans les rues fréquentées par le cortège de la centrale syndicale, l'album s'était invité au FIBD cette année ; de là à penser que la date du 29 janvier n'est pas sortie d'un complet hasard, c'est accorder un crédit à la fête de la BD...
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