L
es odeurs nous mèneraient-elles par le bout du nez ? Auraient-elles une influence particulière sur notre comportement ou sur nos envies ? Agiraient-elles comme autant de madeleines de Proust, ravivant certains souvenirs enfouis tout au fond de la mémoire ? Des questions auxquelles Jean-Claude Denis essaie d'apporter quelque éléments de réponse dans Nouvelles du monde invisible. Ouvrons grand nos narines.
Difficile d'aborder un tel sujet dans un media censé faire la part belle au visuel. Comment, en effet, montrer graphiquement des senteurs ou des arômes particuliers ? Tout d'abord, l'auteur a choisi un traitement proche de la bichromie avec des couleurs jouant principalement sur des tons bleus-gris. Le rendu peut paraître un peu fade mais permet de se concentrer sur l'essentiel : les volutes de fumée ou autres émanations diverses, omniprésentes au quotidien. L'album commence par un épisode qui repose sur une anecdote mais qui donne l'occasion au lecteur de pénétrer en douceur dans un environnement familier. Qui n'a jamais, en effet, respiré un parfum dont la fragrance de fleurs ou de vanille a rappelé quelques anciennes conquêtes ?
Cette délicieuse immersion dans l'univers de Nouvelles du monde invisible est essentielle pour profiter pleinement de la suite de l'ouvrage, beaucoup plus personnelle. Jean-Claude Denis se livre à travers une dizaine de chapitres, comme autant de confidences pudiques mais très aromatiques. Les odeurs de gaz se mêlent à celles, très particulières, du métro parisien. Et quand le désir de se resourcer devient trop présent, les effluves de romarin, de thym ou de lavande du sud de la France agissent sur l'auteur comme une véritable purification. Si certains passages sont assez prenants en offrant un regard nouveau sur un sens parfois méconnu, d'autres, au contraire, s'avèrent plus ou moins intéressants suivant l'accointance de chacun avec les souvenirs évoqués.
Pénétrer dans son univers intime en traitant d'un thème aussi insolite est un véritable risque pris par Jean-Claude Denis. S'il parvient, dans l'ensemble, à rendre son récit accrocheur ou pédagogique, par l'intermédiaire d'une excellente postface, il ne peut éviter, par moments, un certain détachement au moins de lecteurs tant sa passion pour ce monde invisible peut paraître incongrue. Et même s'il peine parfois à convaincre (curieux, en effet, de le voir analyser avec précision chaque odeur particulière... la clope au bec), son hypersensibilité offre quelques instants de poésie et de rêverie très agréables.
Un sujet plutôt atypique, les odeurs.
Pas évident de mettre sur papier et en bande dessinée un sujet qui ne compte ni histoire, ni aventure mais juste des impressions et des moments très courts de la vie.
C'est plutôt un exercice réussi ici. Je suis tombé sur la BD par hasard mais je sais déjà que je peux la faire tourner dans un cercle d'amis peu interressé par la bande dessinée qui n'y voit qu'un support pour des aventures Héroïques.
Le dessin est simple mais complet, dans le sens où l'auteur a travaillé ses décors et les détails. Pas une cases vide, sans fond, avec juste quelques traits.
Je conseille a tous ceux qui sont sensibles aux parfums, aux vins, aux cuisiniers, etc...