A
u pied du bloc, sur ce territoire qui devient le leur à la tombée de la nuit, les jeunes générations cohabitent par petits groupes. Ça se croise, se toise, s’invective et se frotte… ne jamais baisser la garde, préférer les coups à l’esquive. L’histoire d’un deal à deux balles sert d’introduction à la réalité d’un quotidien sous tension.
Le premier et le quatrième plat donnent le ton en plaçant le lecteur face aux deux façades principales d’une barre d’immeuble, étouffantes et massives. D’un côté, il est possible de deviner dans l’obscurité ambiante les vêtements qui sèchent aux balcons et les paraboles qui ornent les angles de fenêtre. De l’autre, au droit d’une cage d’escalier reconnaissable par des ouvertures qui se succèdent avec une régularité immuable étage après étage, trois silhouettes se découpent sur cet éclairage blafard qui ne peut être le fait que de rampes de néons. Le délit de regroupements dans les halls d’immeuble n’est pas loin.
Cet album offre une plongée d’une justesse confondante dans cet univers rarement approché de manière si frontale, et d'ordinaire par des chemins détournés (humour, caricature ou encore surenchère). Dans un domaine similaire, les scénarii de Séverine Lambour avec 3 ardoises et Allée des rosiers sont sans doute dans une veine assez proche, même si teintés d’une once d’humanité, sentiment dont Le bloc est définitivement vidé. Les faciès et la gestuelle des protagonistes ne mentent pas. De Raphelis réalise sur ce point un travail intéressant sur l’évolution des comportements, entre les plus jeunes (la dizaine), encore joueurs et dont le sourire n’est pas encore systématiquement un rictus, et les plus âgés (la vingtaine dépassée), figés dans leur stature de grands, les mains comme ancrées dans les poches et les visages fermés. Entre les deux, ça essaie d’exister, tant bien que mal. Les relations internes aux fratries, ponctuellement évoquées, pointent du doigt les rapports d'influence.
L’auteur va jusqu’au bout de son idée première et ne s'embarrasse pas de fioritures. Le trait volontairement dépouillé et la couleur de fond, indéfinissable, comme un dégradé de marrons sinistres sur lequel tranche le noir et blanc, ne proposent pas d’autres prises au lecteur que l’essentiel. Dans pareil contexte, la rudesse des dialogues - le choc et les limites d'un vocabulaire basique - et leur caractère inintelligible pour Mr tout-le-monde ne déparent pas du tout, même s'il convient de noter qu'ils ne sonnent pas toujours très juste. Alors, dans un sens, cette approche réaliste au possible risque d’en rebuter plus d’un, et ce n’est pas le plan loose qui constitue la trame du récit qui contrecarrera cette tendance. Mais de l’autre, ce tour de force, tenu tout du long, qui a consisté à ne pas céder à la tentation de dénaturer cette réalité constitue bien l’intérêt majeur de cette bande dessinée.
A l’image de ces cités qui ne donnent guère envie de s’y aventurer, Le bloc, au premier coup d’œil, n’incite pas à aller plus loin. Pourtant, à sa manière, c’est un ouvrage réussi, justement parce qu’il touche de très près au réel.
Ma note reflète simplement le plaisir que j'ai ressenti à la lecture sans être aveugle fort heureusement.
Ce n'est pas que je n'aime pas la banlieue, ses blocs monolithes et son langage si peu châtié. Ces zones ne devraient pas exister car chacun devrait vivre dans une habitation à visage humain dans un cadre harmonieux où la violence serait proscrite. Voilà pour la théorie super-idéaliste ...
Je n'ai pas vraiment aimé cette histoire qui tourne au drame pour une peccadille. C'est ultra-réaliste car on se croirait vraiment dans la cité avec ses propres acteurs. Moi, je n'en tire rien de positif sur ce format de la bd. Il faut réellement supporter la rudesse du vocabulaire employé tout le long ! Cela ne sera pas chose aisée pour tout le monde.
Par ailleurs, le décors est inexistant, les dialogues sont lourds, le découpage pas convaincant et surtout un scénario tellement mince ! Bien entendu, le bloc doit refléter très vraisemblablement la banlieue sans tomber dans les éternelles clichés.
C'est certainement un travail honnête d'un point de vue objectif mais le courant n'est pas passé sur le plan des émotions. Or, cela compte pour moi. J'ai l'impression d'être resté à l'extérieur du bloc !