D
ans un hôpital psychiatrique, un fou reprend peu à peu ses esprits, suffisamment en tout cas pour prendre la poudre d'escampette après avoir liquidé le gardien chargé de le surveiller. Pour retrouver son identité et son passé, une seule piste s'offre à lui : un morceau de pellicule. Pas n'importe lequel, car nombreux sont les collectionneurs qui se damneraient pour le posséder. De quoi s'agit-il ? Tout simplement de l'introduction du Docteur Mabuse de Fritz Lang, réputée disparue.
Sur le fond, nous voici face à un thriller assez traditionnel, le fugitif traînant dans son sillage une inspecteur de police caractérielle et les membres d'une organisation mystérieuse qui semblent en savoir long sur les récents événements. Derrière ce clacissisme apparent, Pécau et Damour, délaissant pour l'heure le registre de la science-fiction de Nash, se fendent d'un univers déjanté peuplé d'êtres maléfiques. L'absurde côtoie le sordide. La violence, éclatant par intermittence, paraît peser sur les épaules de tous les personnages.
L'ambiance oppressante, qui ne se dément pas d'un bout à l'autre de ce premier tome, est non seulement due au scénario angoissant concocté par Pécau, mais aussi et surtout au dessin de Damour qui livre indéniablement son meilleur album. Les visages, expressifs, transmettent bien la peur ou la folie dont sont imprégnés les personnages. Par une mise en scène impeccable, il renforce le suspense entretenu par son compère scénariste. Officiant aux couleurs, Vincent Froissard, déjà à l'ouvrage sur des séries de qualité telles que Felicidad ou Après la guerre, se concentre sur des tons très foncés et permet au récit de gagner encore en obscurité. La prouesse du dessinateur et de son coloriste est évidente : parvenir à rendre dans une bande dessinée une atmosphère digne des films de Fritz Lang, véritable maître du genre, n'était pas chose aisée. C'est pourtant ce qu'ils ont réussi, et de quelle manière ! Pour un peu, on s'attendrait à croiser Peter Lorre au détour d'une sombre ruelle.
L'intrigue de ce premier volume est par ailleurs difficile à résumer : les auteurs posent beaucoup de questions, présentent un grand nombre de personnages, parfois de manière très succinte, et lancent d'innombrables pistes qui peuvent laisser perplexe. Néanmoins, certains signes attestent de leur maîtrise de l'univers qu'ils mettent en place, la parfaite intégration des films de Fritz Lang dans l'histoire n'étant pas le moindre. L'ensemble paraît cohérent, même si les révélations sont remises à plus tard, et rien ne saurait empêcher l'amateur de récits torturés de se plonger avec avidité dans ce Testament du docteur M. En espérant que les deux derniers tomes seront à la hauteur.
Une lecture haletante et passionnante que voilà ! Pourtant, je m'étais rudement méfié quand j'ai vu le nom de Pecau au scénario. Il faut dire que L'Histoire Secrète m'avait tellement déçu après un bon départ.
Cependant, il faut toujours laisser une chance car on pourrait passer à côté de quelque chose d'intéressant. Et c'est bien le cas ici ! Nous avons un scénario de très grande qualité qui s'appuie habilement sur deux enquêtes menées en parallèle. Le dessin colle parfaitement à la sombre ambiance de cette série.
C'est bizarre mais il ne faut pas également se fier aux couvertures un peu naïves qui ne reflètent pas le côté sombre de cette histoire mystérieuse. Il y a de très bonnes idées comme l'exploitation d'un extrait de film du réalisateur allemand Fritz Lang. C'est d'ailleurs le point de départ de cette intrigue qui ravira les amateurs cinéphiles.
Et puis, j'ai beaucoup aimé la personnalité charismatique de l'inspectrice Lotte à la fois acariâtre et touchante d'humanité. Il y a également des liens qui sont réalisés avec des enquêtes qui ont réellement existé et qui apporte un côté troublant à l'ensemble.
Au final, j'ai été impressionné par ces tomes du testament du Docteur M. On espère que la suite égalera cette qualité. C'est un bon thriller très efficace. Il ne demande qu'à être un peu plus connu...