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rancaccio est l’un de ces quartiers délabrés de Palerme, l’une de ces zones de non-droit où la seule règle d’or est celle du silence. Ici Cosa Nostra est en son royaume et chacun doit s’acquitter du pizzo, l’impôt mafieux. La pègre sicilienne n’est pas seulement ce pouvoir meurtrier et secret au fort potentiel cinégénique et romanesque, c’est avant tout une organisation qui infiltre insidieusement les rouages de la société, un entrepreneuriat criminel qui se nourrit de la vacance de l’État, des réseaux clientélistes et de la privatisation des services publics. La mafia prospère sur le terreau de la pauvreté, elle s’appuie sur la fragilité du tissu social et fait obstacle au développement économique et culturel.
Brancaccio est une œuvre courageuse. Giovanni Di Gregorio s’emploie à décrire de manière réaliste le quotidien d’un quartier défavorisé sous l’emprise du système mafieux. Une chape de plomb pèse sur chacun, la violence est implicite et la menace à peine voilée. En relatant l’histoire toute symbolique de Nino et de ses proches en trois chapitres, Di Gregorio démultiplie en réalité les regards comme autant de documents à charge sur une communauté gangrénée à tous les niveaux. A ses côtés, Claudio Stassi délivre une composition convaincante où l’émotion est palpable. Si le découpage est de facture classique, le trait est élégant et le dessin n’est pas sans évoquer celui de Gipi dans ses Notes pour une histoire de guerre.
Brancaccio est dédié à ceux qui résistent et qui refusent de se comporter en victimes. Des témoignages d’association qui luttent sur le terrain viennent ainsi compléter l'album. Mais il s'adresse aussi à "ceux qui continuent de se condamner eux-mêmes et le lieu où ils vivent par le rituel quotidien des petites injustices et des génuflexions imperceptibles". L’Onorata società, comme l'on dénommait Cosa Nostra, n’a d’honorable que le nom.
C’est le récit d’un gamin qui se fait renverser en scooter dans les rues d’une ville sicilienne sous influence de la mafia. Un vibrant hommage est rendu en fin d’album à toutes les victimes indirectes de la mafia. Il est vrai que je n’ai pas fait le lien avec un banal accident de la circulation même si le conducteur de la camionnette devait remplir une mission un peu illégale car il ne pouvait dire « non ». Quand votre patron vous demande quelque chose, vous le faites même si cela ne vous plaît pas. Oubliée la théorie des baïonnettes intelligentes!
Le récit présente l’originalité de se décomposer en 4 parties qui refléteront des points de vue différents par rapport au même fait même si l’action diffère selon la vie de ces personnes. Le dessin ne m’a pas emballé. J’avoue également avoir eu des problèmes de compréhension avec la fin de ce drame. Bref, pas assez d’éléments pour me convaincre même si je compatis à la douleur des familles concernées.