I
l vient de perdre son boulot. Plutôt que de se lamenter sur son sort ou de chercher activement un emploi, il décide, à 40 ans, de faire un point sur sa vie, de se retourner un instant sur le chemin parcouru. Essayer de rattraper le temps perdu, revoir ses vieux potes et refaire le monde avec eux, renouer avec sa famille et surtout, exister à travers sa passion, la bande dessinée.
Dessinateur, c'est pas un métier, tout au plus une occupation salutaire quand ne rien faire devient trop fatigant. C'est du moins l'avis de Momo, un pote de banlieue. Son rêve à lui, c'est de signer dans une grande maison de disque. En attendant, son occupation principale, c'est la glandouille. Gilles se fout de l'incompréhension de ses proches. Le crayon à la main, il croque des scènes banales du quotidien, s'attarde sur des détails anodins, prend le temps d'observer, d'écouter, de vivre. Les gens s'activent autour de lui, le bousculent, l'invectivent. Pourtant, rien ne peut troubler le moment qu'il s'est réservé, plaisir égoïste mais salutaire.
L'album est découpé en saynètes de quelques pages. Parfois acides et amusantes mais rarement drôles, elles mettent en scène une galerie de personnages gravitant autour de la cité. L'intérêt vient essentiellement de dialogues percutants, souvent réussis. La confrontation entre Gilles et le serveur du restaurant asiatique est, à ce titre, particulièrement croustillante. Cependant, les pages se tournent rapidement sans que le lecteur puisse se sentir réellement concerné. Même la vision subjective que propose l'auteur, avec sa silhouette vue de dos, façon "livre dont vous êtes le héros", ne provoque aucune implication particulière. Quant au dessin, sans fioriture, tout en bichromie, il fait la part belle aux "paysages" de la banlieue, à ses tours imposantes, ses terrains de jeux ou ses commerces de proximité.
Temps Mort résulte d'une démarche trop personnelle pour être vraiment partagée. L'auteur prend du recul mais ne laisse pas suffisamment d'espace au lecteur pour respirer, pour tenter de trouver ses propres références. Il reste néanmoins quelques passages agréables qui feront regretter qu'il n'ait pas été tiré meilleur profit d'un thème quasi-universel.
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