U
n père célibataire s’intéresse à Carole, l’institutrice de sa fille, que son mari a quitté après avoir gagné au Loto. Depuis quinze jours, il l’emmène à l’école maternelle avec leurs enfants respectifs. Mais, ce matin-là, ils se retrouvent pris en otage, ainsi que toute une classe, par un forcené masqué qui menace de tout faire sauter si on ne lui remet pas une rançon élevée. Piégés, enfermés, cet homme et cette femme tentent de se rapprocher, tandis que les heures s’égrènent lentement, que le soleil tape toujours plus fort, que les gamins fatiguent progressivement et que leur kidnappeur tente de négocier avec la police. Leurs passions, leurs désirs et leurs peurs exacerbés par l’attente insupportable les mettent à cran et rend tout dialogue difficile.
Mise en bouche adapte, avec beaucoup de fidélité, une nouvelle de Philippe Djian, publiée en 2003 dans les Inrockuptibles et reprenant un fait divers qui avait défrayé la chronique dix ans auparavant : la prise en otages de plusieurs élèves d’une école de Neuilly-sur-Seine par un homme surnommé Human Bomb. On en connaît le dénouement et c’est donc sans aucune surprise, en dehors peut-être de la participation active du héros à celui-ci, que le lecteur voit arriver la fin de ce kidnapping.
En revanche, et c’est là que réside tout l’intérêt de l’album, l’intrigue met surtout en avant la confrontation de deux êtres blessés par la vie et qui essaient de se rapprocher tout en s’écorchant. L’enfermement forcé engendre un huis-clos aussi intime qu’exposé à la vue de tous dans une atmosphère tendue et étouffante. Les deux principaux protagonistes cherchent à fuir cette promiscuité involontaire, tout en se recherchant l’un l’autre. Oppressés, ils dévoilent ce qu’il y a au plus profond d’eux-mêmes, leurs désillusions, leurs rancœurs, mais également leurs fantasmes et leurs désirs les plus fous. Carole, l’institutrice, est presque caricaturale comme femme meurtrie, abandonnée par son « salaud » de mari et qui en veut à la communauté entière des hommes. Le père de Lili se montre, quant à lui, cynique et blasé, avant de finir par montrer les crocs, excédé autant par les atermoiements de celle qu’il convoite que par la lenteur des services de police à trouver une solution à l’affaire. Les autres intervenants sont à l’avenant : le terroriste sur les nerfs change d’avis à tout moment, le beau gosse voit ses velléités de résistance vite réduites à néant, la pleurnicheuse de service à grosse poitrine larmoie à tout propos… Le rythme est lent et lourd, rendant bien ce poids qui pèse comme un couvercle sur chacun.
Le dessin de Jean-Philippe Peyraud convient bien au récit. Son trait croque des individus à bout, soulignant leur énervement, leur découragement, leur lassitude, en cadrant leurs expressions, leurs attitudes. Certaines planches dépourvues de tout dialogue ou de toute voix off (celle du père) restituent parfaitement les longs silences déjà présents dans la nouvelle de Philippe Djian et impriment ainsi une force certaine à l’ensemble. Les couleurs de Laurence Croix, jouent sur quelques teintes qui correspondent chacune à un passage de la journée, ce qui permet de suivre, comme si on y était, le déroulement des évènements et la progression de l’intrigue.
Avec son titre évocateur qui laisse planer la promesse d’un bon moment, Mise en bouche s’avère un bon album, très littéraire et agréable à lire, bien qu’on reste un peu sur sa faim la dernière page tournée.
Un père célibataire qui élève seul sa fille va faire connaissance de sa voisine, une femme qui vient d'être plaquée et qui semble avoir du mal à s'en remettre. Il l'emmène tous les jours à la maternelle avec ses trois enfants pour lui rendre service et parce qu'il est épris d'elle. Un jour, ils sont pris en otage par "Human Bomb" dans ladite maternelle. A partir de ce moment, le récit va basculer. On s'y attendait pas vraiment car l'idylle naissante va basculer dans le drame.
Pourtant, l'histoire reste concentrée sur la relation un peu étrange entre ce père et cette voisine. On ne peut que s'interroger sur ce que vient faire le preneur d'otage muni d'une ceinture d'explosif dans cette histoire d'autant qu'il y a un véritable parti pris en sa faveur (ce qui me paraît franchement douteux voir nauséabond). C'est directement inspiré du fait divers qui s'est produit en Mai 1993 de la prise d'otage du l'Ecole maternelle de Neuilly-sur-Seine. On se souvient tous du dénouement et de la polémique qui s'en suivi.
Bref, ce mélange entre le thriller et la comédie romantique a du mal à passer. Cette mise en bouche m'a quand même laissé sur ma faim.