A
l'époque des Sengokujidai sous l’ère Muromachi, le Japon est marqué par d’incessants conflits. C’est dans ce contexte de violence que de nombreux ninja sont formés à travers le pays. Dans l'anonymat de cette marée d’apprentis guerriers, Kyoteru doit faire face aux brimades de ses camarades. De tous les talents physiques que requiert sa destinée ninja, le jeune garçon n’en maîtrise aucun. Ses piètres performances à l’entraînement en font la risée de son clan, au grand désarroi de son père Bashô. Afin de retrouver une certaine fierté aux yeux de celui-ci et de prouver sa valeur, le jeune garçon se lance seul dans une mission des plus périlleuses. Heureusement, il peut compter sur le soutien inconditionnel de Kageko, sa petite sœur avec laquelle il partage un lien aussi puissant qu’étrange.
Dans les années 90, le petit Kyoteru, victime de racket, se pend à l’arbre de son jardin. Depuis, l’arbre n’a plus jamais redonné de feuilles. Inspiré par ce fait divers tragique, Jung et sa femme Jee-Yun imaginent cette histoire d’enfants ninjas dans un Japon féodal. Après Kwaïdan et Okiya, le couple d'origine coréenne continue d’alimenter le catalogue Delcourt avec cette nouvelle série publié dans la Collection Terres de Légendes.
Situé au Japon médiéval, le récit de Jee-Yun se nourrit des codes, des valeurs et d’une terminologie d’époque. Un contexte historique riche dont la violence contraste énormément avec la jeunesse des personnages mis en scène. Si l’histoire invite surtout à suivre les pas de ce souffre-douleur accablé par la honte qu’il fait rejaillir sur son père, c’est bel et bien la petite Kageko qui constitue l’intérêt principal de ce premier volet. Cette enfant de l’ombre (kage = ombre/ ko = enfant) donne non seulement le titre de cet album, mais, à travers son mutisme, elle affiche également cette volonté à ne pas vouloir s’associer à la cruauté du monde des adultes. Tout en incarnant l’espièglerie et l’innocence des enfants, Kageko s’isole ainsi de la réalité et crée son propre univers. De la sorte, cette héroïne hors du commun constitue le lien avec la part surnaturelle du récit et maintient l’équilibre entre le côté historique et les nombreux éléments fantastiques.
Graphiquement, Jung donne vie à une galerie de personnages très attachants, emmenés par un ninja blanc des plus intrigants. Le décorum soigné facilite également l'immersion dans cet univers historico-fantastique asiatique. Si cette mise en bouche contient des passages amusants (l’infiltration de Kyoteru dans le château de Sozen Yamada) et offre un regard intéressant sur le Japon d’antan, à travers les yeux d’enfants, l’intrigue a cependant encore du mal à totalement convaincre.
Le dessin est parfait et véhicule une poesie fine et enchanteresse, qui se marie très bien avec un scenario efficace, et maitrisé d'un bout à l'autre du livre. Dessin et scenario s'épaulent l'un l'autre tout au long du récit. On s'attache dès les premières pages aux personnages de l'histoire. Ce tome 1 soulève de multiples questions et il serait bien délicat de se prononcer sur la fin de l'histoire qui peut partir encore dans de nombreuses directions. Génale histoire !