C
odette est réfugiée, elle a fui la guerre qui déchire le Watakou. Et ce n'est pas facile pour elle de se faire à sa nouvelle vie, de tirer un trait sur un passé qui, s'il n'était pas de tout repos, a fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui : une jeune femme de caractère. Aussi n'hésite-t-elle pas lorsque ses nouveaux compagnons de sortie proposent de se lancer mutuellement des défis tous plus stupides les uns que les autres. Pour avoir sa récompense, elle devra alors embrasser la fille de son âge qui organise la fête de ce soir. Une petite imprudence qui mènera à une belle aventure...
Les deux adolescentes qui s'animent sous les coups de crayon de Lisa Mandel ont tôt fait de convaincre par leur naturel et leur personnalité attachante. Entre Codette, la petite rousse un peu réservée mais pleine de ressources, et Végétaline, la jolie demoiselle aux cheveux roses qui, derrière un air fier et distant, dissimule une grande fragilité, se noue d'emblée un lien très fort. C'est peut-être cela, la magie d'une rencontre, la fusion de deux personnes dont les différences finissent par s'accorder car, au fond, elles sont à la recherche de la même chose. Les embûches se succèdent, les obstacles se dressent, innombrables... mais l'amitié, puis l'amour, triomphent.
Avec un tel récit où le romantique le dispute au tragique, Lisa Mandel aurait très bien pu tomber dans le pathos ou sombrer dans le ridicule. Il n'en est heureusement rien et l'auteur parvient à donner à son livre le ton qui convient, celui qui s'adapte le mieux au caractère de ses deux petites héroïnes. Le dessin très simple mais haut en couleurs, annoncé par une couverture où la prédominance de rose vif ne manque pas d'attirer l'attention, confère ainsi à l'ensemble une touche très enfantine, très légère, qui rend acceptable et même délectable le brin de naïveté qui émane de cette histoire où le rêve joue le premier rôle.
Cette légèreté de bon aloi ne s'apparente pas à une quelconque superficialité. Lisa Mandel traite en effet dans Princesse aime Princesse d'un certain nombre de thèmes dont la gravité tranche avec l'aspect très coloré des planches. La guerre, le déracinement, la difficulté de se construire une nouvelle identité, le remords et l'impuissance face à un acte irréparable, les troubles psychologiques propres à l'adolescence, la surprotection néfaste dont se rendent coupables certains parents vis-à-vis de leurs enfants, etc. Parmi tous ces sujets, abordés avec tact par un auteur qui s'entoure de la retenue nécessaire, celui de l'homosexualité, ici féminine, occupe une place de choix dès le titre de l'ouvrage. Celui-ci ne se profile toutefois pas comme un manifeste : la relation entre ces deux jeunes filles est un élément parmi d'autres, bénéficiant aussi d'une approche très subtile qui apporte à cet amour naissant la spontanéité de la jeunesse. C'est sans aucun doute ce qui donne à l'histoire de Codette et Végétaline une crédibilité sans faille.
Princesse aime Princesse est un livre plutôt surprenant mais très sensible, dont le fond et la forme convergent vers un même but : raconter une histoire très riche sous des dehors de simplicité absolue. Un objectif atteint de belle manière.
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