C
hronique de dépressifs provinciaux. L’existence tranquille, voire ennuyeuse de Vincent, coiffeur de son état, va être perturbée suite à une rencontre, tant bien même ce terme puisse paraître excessif dans le cas présent. Effectivement, c’est plus une vague réminiscence de quelqu’un, quelque chose qu’il ne parvient pas à identifier clairement dont il s’agit. L’élément déclencheur s’avérera être une femme dont la vie semble tout aussi monotone, quelques années en plus ayant cependant accentué les symptômes. Vincent est logé par sa mère vieillissante, dans un appartement situé en dessous du sien. Cette dernière se distingue par un caractère excessif et possessif qui n’aide en rien son fils à voler de ses propres ailes.
La profonde qualité de cet ouvrage signé Camille Jourdy réside dans cette faculté à transcender les choses insignifiantes. L'histoire avance à petits pas, ce qui permet de se laisser porter par la langueur déprimée du récit et, ainsi, de goûter pleinement à ces détails qui en constituent la force évocatrice. Le spleen qui hante le fond n’a cependant rien d’étouffant, tout d’abord parce que l’auteur entretient un rapport attendri avec ses personnages, mais aussi parce que l’ensemble n’est pas dénué d’un humour assez fin. Cela se ressent tant au niveau de la narration et des dialogues que d’un point de vue graphique. Le coup de crayon ne cherche pas l’esbroufe, mais se met efficacement au service de l’histoire et c’est une atmosphère paisible et bucolique qui se dégage d’une mise en couleurs aux tons pastels.
Cette lecture permet de s’interroger sur une certaine vacuité que peut revêtir un quotidien sans « extra ». Elle évoque la folie légère qui peut se développer derrière les rideaux, dans la solitude et le mal-être. Elle offre aussi une vision un peu moins idyllique de la vie provinciale que ne pourraient la rêver les citadins. Il en ressort une bande dessinée qui n’est pas à proprement parler classique, mais qui parvient toutefois à se lire sans peine. Le coup de force de ce premier tome intitulé Une impression de déjà-vu est qu’il réussira à maintenir ses amateurs en haleine jusqu’à la dernière page, alors que ses détracteurs souligneront qu’il ne se passe pour ainsi dire rien. En effet, mais il est cependant difficile, au cours de cette lecture plus cérébrale que brutale, de ne pas se prendre au jeu de suivre Vincent dans cette espèce de tunnel au bout duquel il croit voir briller une lumière fascinante. Pleine de promesses ? Deuxième performance, rien ne transparaît de ce qui peut advenir par la suite : toutes les hypothèses restent ouvertes tant Camille Jourdy a cadenassé sa construction. Ainsi, ses lecteurs pourront profiter à loisir de ce moment de frustration qui consiste à devoir se cantonner dans la supposition, dans cet intermède toujours trop long qui se situe entre deux parutions.
Chronique enthousiaste d’un album qui fleure bon l’antidépresseur !
Il est vrai qu'il y a des romans graphiques où il ne se passe rien de vraiment fabuleux. On raconte l'histoire déprimante d'un fils à papa Vincent (30 ans) qui a hérité d'un salon de coiffure dans une ville paumée et qui vit dans la même maison que sa mère âgée de 70 ans : pratique pour ne pas payer le loyer. Forcément, avec les femmes, ce n'est pas la joie !
Notre héros célibataire va chercher une course pour sa mère un peu étrange, digne du film Psychose et surtout très acariâtre. Il va alors remarquer une vendeuse d'épicerie de 10 ans de plus que lui qui est la fameuse Rosalie Blum du titre de l'ouvrage. Là n'est pas tant le problème. Ce qui est franchement malsain, c'est qu'il ne va pas arrêter de la suivre jusqu'à fouiller ses poubelles pour tout connaître de sa vie, de ses moindres manies et habitudes sans même lui adresser la parole... Franchement, cela fait froid dans le dos ! Le premier tome se termine sur enfin une action qu'on doit attendre la suite dans le second tome où il ne se passera pas grand chose d'ailleurs.
C'est bizarre mais malgré tout, on va s'attacher au personnage principal qui n'est pas un aussi mauvais bougre. C'est bien raconté et on ne s'ennuie pas. Il y a de l'humour et certaines cases ont un graphisme à l'aquarelle assez audacieux. On encouragera donc l'auteure à essayer de faire un peu mieux la prochaine fois. Ce n'est pas si mauvais. D'ailleurs, cela a rapporté un prix révélation à Angoulême 2010.
Un pur moment de bonheur, j'ai notamment beaucoup apprécié le dessin et les couleurs, la mise en page (ou mise en scène?), et les personnages tous très touchant et attachant. Par ailleurs, j'ai aussi aimé le ton, et l'humour toujours délicat de cet album.