"Tu fais de la BD ? Alors maintenant tu écris pour les enfants ? Ah, c'est pour adultes ? Ça veut dire que c'est du porno ?" Pas facile d'entendre ce genre de discours pour Tomas, un jeune auteur en manque total d'inspiration. Son pote, Marvel, lui a bien demandé d'écrire un scénario pour son nouvel album, mais la page demeure désespérément blanche. Et ce n'est certainement pas auprès de sa femme, Elsa, qu'il va trouver un quelconque réconfort. Artiste peintre, elle cherche par tous les moyens à gagner la reconnaissance de ses pairs, même si pour cela elle doit fréquenter les soirées mondaines où l'égocentrisme côtoie le superficiel et l'insignifiant. Le genre de soirées que Tomas exècre. Inexorablement, le couple s'éloigne et seul le sexe parvient de temps en temps à les réunir pour quelques instants fusionnels.
Celle de ma vie, celle de mes rêves est l'œuvre de deux jeunes auteurs portugais qui ont déjà reçu un prix pour cet album, en 2001, dans leur pays natal. L'inspiration artistique et le quotidien de deux êtres qui se déchirent sont les principaux thèmes du récit. Pendant que Tomas cherche sa muse qu'il imagine belle et idéale, Elsa semble trouver toute sa force dans la violence et l'agressivité. D'ailleurs, c'est la vue d'une profonde blessure, infligée involontairement à son mari, qui déclenche la libération de son esprit. Pendant qu'il souffre et qu'il saigne, la jeune femme, en transe, entre soudain dans une folie créatrice inextinguible. Quant au couple, il périclite lentement mais sûrement. A part ça ? Pas grand chose... L'auteur incorpore de temps à autres quelques réflexions assez banales sur l'Art en général, la bande dessinée en particulier. L'acte sexuel est présenté crûment avec une dose de saphisme n'apportant pas vraiment un plus à l'histoire. L'album vaut surtout pour le dessin tout en bichromie, alliant le rouge et le noir. Le trait est vif, nerveux, ajoutant un vrai dynamisme au récit. De plus, un symbolisme efficace et esthétique, servant parfaitement le scénario, est utilisé pratiquement toujours à bon escient.
Malheureusement, le côté graphique, très réussi, ne peut faire oublier une intrigue terne et sans relief, enfonçant beaucoup de portes ouvertes. L'album souffre de la comparaison avec d'autres titres plus captivants, plus aboutis, comme Le Dernier Modèle, par exemple. A lire, cependant, ne serait-ce que pour découvrir la bande dessinée lusitanienne.
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