L
e passé de Vaucanson est à ce point chargé d'histoire que n'importe qui peut y creuser n'importe où et il tombera forcément sur des vestiges archéologiques. C'est du moins ce que prétend la légende. Le professeur Cormor, quant à lui, ne dirige pas ses fouilles au hasard : il recherche le laboratoire de l'Inventeur, celui qui forgea les fameux automates animés par les flammes de vie du démon Kalador. Un secret oublié de tous qui pourrait bien ressurgir, suscitant la cupidité des uns et la soif de puissance des autres.
Autant ne pas y aller par quatre chemins, il y avait un moment que la lecture d'un Donjon n'avait plus été si réjouissante. Et ce n'était pourtant pas gagné d'avance, ce nouvel épisode étant dans la prolongement du précédent Monsters qui, pour de nombreux fans, avait constitué une amère déception. Un mauvais souvenir bien vite oublié tant Le grimoire de l'inventeur reprend toutes les qualités de la période Zénith. A savoir ? Il s'agit surtout d'une ambiance générale tout en légèreté, que ce soit par des dialogues drôlatiques ou un humour de situation délectable, mais qui n'empêche pas des moments plus tristes, voire tragiques. Comme aux meilleurs moments de la série, Sfar et Trondheim parviennent aussi à y aborder des thèmes plus sérieux en marge de la trame principale : le progrès technologique et son inévitable mauvaise utilisation, les dérives d'un pouvoir mis au service d'intérêts personnels, le sens du sacrifice, le scandale des hommes d'affaires sans foi ni loi... Tout cela ne donne pas lieu à une réflexion profonde sur le sens de la vie (et ce n'est d'ailleurs pas le but) mais rend l'ensemble plus solide, permettant de goûter d'autant mieux les délires qui parsèment le récit.
Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le regain d'intérêt pour le monde du Donjon s'accompagne ici d'une surprise de taille aux dessins. Il est en effet assez inattendu de voir débarquer Keramidas, l'une des figures de proue de l'écurie Soleil, dans un univers plus habitué à lorgner du côté des productions dites alternatives. Le résultat n'en est pas moins d'excellente facture et le dessinateur de Luuna s'approprie avec classe le style Donjon, donnant à ses personnages un air très "Disney" qui souligne parfaitement les expressions des visages. Ses décors et autres vues aériennes, survolant entre autres un grand Poupoulou habilement revisité, marquent également par leur minutie. Quant aux couleurs de Walter, elles sont comme toujours à l'abri de toute critique.
Bien rythmé et élégant, ce Grimoire de l'inventeur renoue avec la qualité des meilleurs Donjon. Un soulagement...
Au delà de lire une aventure si haletante, débutant de manière si légère pour se clôturer avec une telle gravité (conclusion réellement palpitant, détonnant autant que dramatique), c'est ici par le dessin que l'on déconstruit les codes du genre et c'est franchement bien vu.
Je m'explique:
Keramidas a un trait si connoté Disney que lorsque celui-ci bascule dans un drame adulte, la lecture ouvre alors de nouvelles perspectives. C'est comme si on lisez une histoire dans les magasines mensuels "Mickey Parade" ou "Journal de Mickey" avec des morts, des instants psychologiques violents et des rebondissements graves. C'est tout le sel de cet opus, génial scénaristiquement. Proposé à Keramidas d'illustrer un Monster est un coup de maitre voire de génie.
Au delà de ces dessins frais, palpitant, généreux dans le mouvement, l'histoire suit le parcours de deux personnages qui cheminent leurs vies dans leurs valeurs respectives, chevillées aux corps. Il y a Guillaume de la Cour, méchant versatile et capitaliste, absolument génial qui suit les valeurs du profit maximal qui impose des situations grotesque et drôle autant que génocidaire et destructeur sans réfléchir aux conséquences de ses actes (ça c'est le méchant). Et il y a l'autre, le professeur Cormor qui va en faire tout autant mais qui y réfléchira sans cesse, doutant de ses choix pourtant obligatoires puisqu'il est formaté de la sorte, étant un automate.
Ici on suit deux personnages pas si différent que ça mais qui prennent des chemins et des conclusions aux antipodes. C'est là que réside le propos principal de ce tome. D'ailleurs, le grimoire qui aurait du être l'artefact autour duquel se construit l'histoire n'est que source de drôlerie et de blagues. La manière qu'ont les personnages de le récupérer est toujours imprévisible, hasardeuse voire stupide. Ici encore, les scénaristiques décortiquent les codes de la quête de l'objet qui fait l'histoire ( l'anneau des seigneurs de anneaux ou tous les artefacts magiques que doivent trouver les superhéros gentils avent les superhéros méchant dans le MCU).
Et c'est un régal de lecture.
Le livre qui clôt, d'une certaine manière, la trilogie consacrée à Vaucanson et aux automates, est une réussite.
Le professeur Cormor retrouve le grimoire du créateur des automates, Julien de Vaucanson (que l'on avait connu dans l'album 'Le grand animateur'), et une véritable course à la création de nouveaux automates est lancée. Le scénario se tient bien, l'humour est généralement drôle et, bien sûr, difficile de ne pas remarquer les dessins de Keramidas.
Son style très Disney est très agréable pour les yeux, même si on peut se demander s'il colle véritablement à l'univers Donjon. Quoi qu'il en soit, difficile de s'en plaindre!
Un album essentiel à la série.
L'histoire est immensement drôle et l'intrigue est bien travaillée, avec de nombreux personnages tous plus attachants les uns que les autres. Comme en plus le dessin de Kéramidas est des plus séduisants, ce douzième "Monsters" s'avère être une vraie réussite.
Un album dans la lignée des tout premiers "Zénith", dans une atmosphère et un ton qu'on croyait révolus et dont on n'imaginait plus les auteurs capables de les développer à nouveau.
Si la série "Monsters" de l'oeuvre-monde du "Donjon" a depuis longtemps changé de rôle - loin d'être comme prévu au départ, le récit des "aventures d'un personnage secondaire", elle est aujourd'hui au coeur même de la saga (12 tomes parus, bien plus que les autres !) et sert surtout à construire avec une richesse de détails absurde toute la mythologie et la topographie de cet univers polymorphe... Qui ressemble aujourd'hui de plus en plus, caché derrière l'humour et le second degré, à une oeuvre titanesque dans la droite descendance de celle de Tolkien. "Le Grimoire de l'Inventeur" continue donc à nous narrer l'histoire des automates de Vaucanson, qui semble de plus en plus centrale dans l'esprit de Sfar et Trondheim, et bénéficie du graphisme trés convaincant de Keramidas. D'où vient alors le relatif manque d'intérêt de ce dernier tome ? De la difficulté qu'on commence à avoir de s'y retrouver au milieu des sauts temporels inévitablement créés par cette narration "en désordre" des différentes séries qui s'interpénètrent et se font écho ? Ou du fait que la multiplication des personnages nuit finalement, de manière classique, à cette bonne vieille identification aux héros ? Ou encore, tout simplement, de ce que le scénario ici est bien inférieur á celui des derniers tomes parus ? De toute manière, il n'y a rien désormais qui puisse vraiment entamer notre passion pour cette création à la fois ambitieuse et dérisoire qu'est devenue le Donjon, au fil des années...