Jeremiah 28. Esra va très bien

R ecevoir du courrier est souvent un plaisir, surtout dans le monde dévasté et en reconstruction où évoluent Jeremiah et Kurdy. Aussi, lorsque ce dernier reçoit des nouvelles d'Esra, sa mule bien aimée à la retraite, le bonheur semble au rendez-vous, semble seulement. Puis tout dérape : une nuit en garde à vue, une altercation avec un flic véreux, des têtes coupées d'inconnus et c'est le chaos, une traque sans pitié qui s'annonce. Mais qui est réellement la proie ?

Cela fait maintenant vingt-huit albums et presque autant d'années que Hermann livre avec une régularité de métronome les aventures de Jeremiah et Kurdy. C'est avec un plaisir non feint que ses fans attendent chaque nouvelle sortie, espérant à chaque fois retrouver la qualité des légendaires Les héritiers sauvages, Les yeux de fer rouge ou encore Afromérica. Depuis quelques temps la déception est malheureusement souvent au rendez-vous. Il faut se résigner, une série aussi longue ne peut comporter autant de chefs-d'œuvre que de volumes, et se contenter du minimum syndical, qui a tout de même une forte probabilité de rester au-dessus du lot commun actuel.

C'est encore le cas ici avec cet Esra va très bien au titre énigmatique et sans grand rapport avec l'intrigue. L'ambiance est sombre, au sens propre comme au figuré, avec son lot d'injustice, de "freaks" et de méchants imbéciles qui n'étonne plus. C'est efficace, la tension est au rendez-vous et le rythme est soutenu, bref on ne s'ennuie pas mais la magie qui ferait passer cette aventure du ventre mou à la tête du classement est absente. Alors certes, le dessin procure toujours autant de frissons. La palette graphique est toujours impressionnante, avec cette couleur directe propre à transformer une usine désaffectée en parc d'attractions pour psychopathes. Mais c'est un peu mince pour susciter un engouement jubilatoire pour un album où l'impression de déjà-vu est quasiment omniprésente.

Se renouveler n'est pas chose aisée, surtout lorsque l'univers créé fait la part belle à une atmosphère bien précise d'après apocalypse, qui est l'élément générateur principal du récit. Le continent américain est sans doute trop étroit et il serait peut-être temps pour nos deux héros de prendre le large et aller voir ailleurs si les manipulations génétiques, les hommes de pouvoir et autres seigneurs des bas fonds y sont plus fréquentables. Et qui sait, peut-être pourraient-ils croiser un Cormoran barré par un Djinn cinquantenaire…

Ne boudons pas notre plaisir, Jeremiah va très bien, sans plus étonner ou détonner mais en suivant son petit bonhomme de chemin. Sachons nous contenter de cela.