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Roberto

31/01/2008 9550 visiteurs 7.0/10 (1 note)

N é d’un couple qui a fui son Italie natale sous la coupe de Mussolini, Robert a grandi en France où il a vécu une enfance tranquille, l’amour de ses parents prenant le pas sur les tracasseries du quotidien. De son père, mineur et dur à la tâche, il a hérité les mains, de sa mère, une certaine idée de la tendresse et, de cette éducation, une ouverture d’esprit et surtout la volonté. Epargné par les atrocités de la guerre d’Algérie, il quitte l’adolescence dans une douce volupté et ignorant de la violence qui l’entoure. Il est bientôt le père d’une petite Aurore à laquelle il s’attache à décrire la splendeur du monde qui l’entoure. Les années ont passé, Robert vient rendre visite à sa fille dans le nord de Paris. Dans le bus, trois jeunes gens rient et parlent fort. Deux générations se croisent.

Livre portant clairement sur les causes possibles d’un certain racisme, il s’ouvre sur une théorie qui consiste à penser que le rapport à l’autre dépend, pour majeure partie, de l’estime qu’il est possible d’avoir de soi. Cette introduction se clôture cependant en précisant que « ce n’est pas facile de s’aimer, dans la merde ambiante ». Qui de Robert ou de Baudoin parle ?

Malgré cette entrée en matière conclue de manière un brin pessimiste, le récit enchaîne sur la jeunesse de Robert qui, sans sombrer dans une version édulcorée, traduit avec force son aspect paisible et heureux. Comme protégé des événements, il a même l’occasion à l’âge adulte de succomber, par instants, au trouble provoqué par l’approche de la beauté dans son sens absolu. Toute la première partie semble reposer sur l’importance de ce rapport à la douceur, au beau. La cassure, amenée avec beaucoup d’intelligence, n’en est que plus violente : un flash sous forme d’émeute. Image gravée dans l’inconscient de chacun depuis les événements de fin 2005 qui porte en elle son lot de préjugés. S’ensuit ce qui peut être considéré comme un dialogue, ou plutôt un discours à la sauce slam version bande dessinée entre trois visages, voire icônes, si propres à se prêter au délit de faciès. C’est sans doute à cet instant que le mode de narration peut dérouter, d’autant que ce monologue à trois voix a tendance à s’étirer dans le temps. Ce choix, pour respectable qu’il soit, semble marquer une hésitation chez l’auteur quant à la manière de retranscrire un langage qui porte son fardeau de vulgarité sur les épaules. Ce qui s’en dégage à la lecture sonne faux et le vraisemblable refus de sombrer dans une caricature par un effet de style a tendance à renverser l’idée première. C’est le seul bémol à apporter à cet album remarquablement construit.

Le propos se trouve renforcé par un dessin noir et blanc chargé d’émotion et de poésie, aussi efficace à retranscrire le beau que le laid, sans jamais verser dans le voyeurisme ou l’excès. Le coup de pinceau, large et tout en courbe, permet aux mouvements d’exprimer grâce et ampleur. La scène reportée sur la couverture témoigne de cette capacité à décomposer les sentiments dans toute leur humanité : foudroyé par la douleur, non physique mais morale, un être s’effondre.

Baudoin ne cède pas à la facilité et apporte une touche très intime à un thème souvent approché de manière convenue. Si le lecteur prend le temps de s’attarder sur le graphisme, il devrait être comblé par l’atmosphère qui s’en dégage.

Par F. Mayaud
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

Roberto

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