S
cène de cacophonie mondaine. Une de ces soirées où il faut parler, pour exister ou du moins montrer qu’on est là. Pour ne pas être oublié plus tard. Dernière immersion dans la foule et le bruit pour le couple d’hôtes avant l’isolement, la réclusion choisie, pour une durée a priori indéterminée. Dans une immense villa perdue au milieu des pins, dont les fondations reposent sur le silence et les lignes droites. Seul point d’ancrage avec ce qui se passe ailleurs, quelques écrans. C’est par cette fenêtre que le monde extérieur s’invitera pour contrarier leur projet : Alice est la prochaine victime de Boone, le tueur en série, cible de toutes les attentions.
S’il existait une remise des prix de type César ou Molière qui avait à inscrire Les garde-fous à son programme, il est fort probable que Bézian ferait une razzia. Cette "création" coupe le souffle. Une fois poussée la porte du palais du couple d’éditeurs, quatre-vingts pages d’apnée attendent celui qui n’ose plus bouger, qui s’en voudrait de faire du bruit, qui se sent à la fois coupable et privilégié d’être le spectateur de ce huis clos.
Sous la direction de l’auteur, les "acteurs" sont étourdissants de justesse, faite de sobriété et d’expressivité mêlées. Ceux qui découvrent seulement le trait de Bézian ou qui l’avaient aperçu de loin trouveront en effet une gamme d’expressions, un concentré d’attitudes et une galerie de personnages, tels qu’ils risquent d’avoir une révélation. Boris, l’éditeur à succès, semble épuisé, vidé, contraint de renoncer au mutisme qu’il paraissait privilégier comme thérapie. Alice aspire à tourner la page, à mener une autre vie et saisit la moindre occasion, la moindre rencontre pour s’échapper. Fix le flic est perclus de certitudes, bouffi d’orgueil, convaincu jusqu’à l’aveuglement que son heure de gloire a sonné. Et il y a les autres, peu nombreux mais non moins parfaits, dont on ne dira rien pour ne pas trop en dévoiler. Une statuette pour chacun.
Une distinction également pour les décors, notamment ce nid d’aigles monumental conçu par le frère de l’auteur notamment. Epure du style, espaces immaculés, luxueuse sobriété. De ces endroits où l’on doit pouvoir éviter de se croiser avec élégance lorsque le besoin se fait sentir, où, comme la faute de goût, la pollution sonore n’a pas sa place. De l’asepsie comme un mode de vie, rien qui n’accroche l’ouïe, la vue ou qui sécrèterait une émotion préjudiciable à cette volonté de retraite.
Coup de chapeau également en ce qui concerne les éclairages. Par les baies vitrées la lumière irradie, déchire les quelques couleurs neutres ou plutôt les tranche, tant les stries sont nettes et précises. L’économie de teintes qui ne fusionnent jamais contribue elle aussi à créer cette ambiance froide et métallique.
Les garde-fous est une œuvre d’auteur. Inclassable, comment la réduire à un drame intimiste ou à un thriller (de ceux qui font frissonner avant de verser le sang). Prenante, au point d’avoir le sentiment de s’être isolé, de s’être enfermé comme eux, pendant le temps de la lecture. Accessible aussi, ce qui n’est finalement pas la moindre de ses qualités et qui enlève tout alibi aux derniers réticents. Un incontournable.
Un dessin ciselé et une ambiance des plus tendue et oppressantes font de ce GARDE-FOUS un thriller très accrocheur.
Décors froids, personnages froids, couleurs blafardes, atmosphère glaciale ... tout s'accorde pour créer un climat des plus stressants. Très classe !
Pour ceux qui ne connaissent pas Bezina et son univers; la surprise sera de taille.
Son style épuré, où chaque image est d'un esthétisme recherché est un hymne à
la beauté de ce que fait la bd.
Même l'écriture dans chaque planche ne vient en aucun cas défaire l'effet,
l'ambiance recherché.
Les garde-fous est une histoire simple mais qui ne conviendra pas à tous. Il faut
un certain lâcher prise et une acceptation totale des codes bafoués pour y
prendre son pied.
Mais quel plaisir!
***À remarquer en page 7, la dernière case; le personnage d'Adrian est idem à
Vincent Cassel.*** Ça m'a fait bidonner!
Un huit-clos où l'esthétisme côtoie l'épure. Une soirée mondaine "banale" tourne à la psychose sur fond de thriller.
Un coup de chapeau à la création architecturale ainsi qu'aux différents silences narratifs, aussi importants que les bulles.
Une lecture rafraichissante.