L
a mort rôde dans les ombres du fastueux palais du sultan Shahryar. Depuis la découverte de l’infidélité de sa reine, le monarque, à moitié fou, épouse chaque soir une jeune fille qu’il tue au matin pour libérer sa rage et laver son honneur bafoué. Lorsque vient le tour de Duna, son frère Shehara se travestit pour prendre sa place. Démasqué, il est jeté dans une geôle où il rencontre Jafar, vizir déchu. Alors que le sultan s’apprête à faire exécuter Shehara, ce dernier le supplie d’écouter une histoire, celle de la princesse Turandot et du prince Calaf.
Depuis leur première traduction par Antoine Galland au dix-huitième siècle, Les Mille et une nuits forment l’ensemble de contes orientaux le plus célèbre et le plus méconnu en raison de sa richesse et de sa diversité mêmes. Car si nul n’ignore l’histoire de la belle Shéhérazade et que les récits d’Aladin, d’Ali Baba et de Sindbad le marin ont été maintes fois adaptés en littérature, au cinéma ou à la télévision, la majeure partie des contes demeure ignorée du grand public. En publiant la série de Jun Jin-Suk, Kami propose d’en suivre une nouvelle variation.
Tout en demeurant relativement fidèle à l’esprit de l’œuvre originelle, la scénariste coréenne introduit sa propre vision des Mille et une nuits en remplaçant, pour commencer, la princesse conteuse par un éphèbe bien tourné et savant. C’est ainsi que l’on passe de Shéhérazade à Shehara sans que cela heurte. Bien au contraire, ce changement apporte un piquant certain à cette version ; les amatrices de romances masculines goûteront le travestissement quelque soit la suite des événements. La première partie de ce volume entre de plein pied dans l’histoire en présentant les personnages et en posant les bases de l’intrigue. La seconde développe le principe de la mise en abîme, par un récit dans le récit, ainsi qu’on s’y attend. Cependant, c’est avec surprise qu'on découvre le premier conte de Shehara. Pas d’Ali Baba, ni d’Aladin et encore moins de Sindbad, mais Turandot… Si l’opéra de Puccini ne fait pas partie du corpus des Mille et une nuits, du moins se marie-t-il bien avec l’atmosphère recherchée dans l’album, la cruauté et l’amour qui en sont le sujet répondant parfaitement aux maux du sultan Sharhyar. Par ailleurs, il faut reconnaître que Jun Jin-Suk en retranscrit correctement l’essence, sans tomber dans les effusions sentimentales pourtant propres aux sunjung. Qualité qui se retrouve d'ailleurs dans la trame générale.
Le dessin de Han Seung-Hee est aussi gracieux que sensuel et les beaux garçons semblent fleurir sous son crayon, tous plus amènes et séduisants les uns que les autres. L’ambiance orientale, puis asiatique, ajoute une agréable et langoureuse touche exotique. De quoi alimenter les rêveries des jeunes lectrices ! Le trait est épais et marqué, surtout sur les contours des visages et l’intérieur des lèvres. Quelques erreurs de proportion et un découpage classique atténuent la bonne tenue de l’ensemble.
Ce premier tome des Mille et une nuits se révèle plaisant à lire et l’adaptation de Jun Jin-Suk est intéressante. La série étant courte et la facture plutôt bonne, ceux qui auront apprécié ce divertissement se pencheront sur les quatre prochains tomes.
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