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’Alligator, « détective privé sans licence », débarque en Sardaigne avec ses deux comparses, Rossini et Max, à la demande d’un restaurateur en affaires avec la mafia locale. Leur mission : retrouver la maîtresse de l’intéressé, sosie d’une ex-vedette de la chanson et qui détient des informations importantes. Ils acceptent à condition que la dame en question les suive de son plein gré. On peut s’arranger avec les lois… mais il y a quand même des principes !
Massimo Carlotto, bien connu des amateurs de romans policiers, a déjà connu une adaptation BD d’un de ses propres best-sellers, Arrivederci amore. Le résultat mitigé l’a peut-être incité à faire le travail lui-même : plutôt que de réaliser une adaptation délicate, il a directement imaginé pour Igort une aventure de l’Alligator, un héros récurrent de polars très noirs dont l’apparition en BD se révèle plus que convaincante.
La sobriété de la maquette et le style dépouillé du dessinateur se marient à merveille avec l’univers de Carlotto. La composition est une sorte de synthèse entre des personnages très classiques, des taiseux qui en imposent façon Lino Ventura (par ailleurs cité en hommage), et une intrigue résolument moderne, sans concessions et pourtant relatée avec un certain détachement, parfois même avec humour. Assurément, les auteurs s’appuient sur l’inconscient collectif des lecteurs, chargé de très nombreuses références, et se contentent de l’approche la plus minimaliste possible, tant dans le dessin que dans les dialogues. Phrases courtes, directes : on est loin des polars branchés et bavards façon Tarantino et aussi moins caricatural que chez les Tontons Flingueurs, mais finalement pas moins efficace.
Comme souvent dans des récits de ce genre qui misent sur une ambiance austère, l’intrigue repose sur des ressorts assez conventionnels. Les rebondissements sont rares, mais bien placés : le rythme n’est pas exaltant, mais suffisamment maîtrisé pour éviter les temps morts. En réalité, l’intérêt réside plus dans les portraits de personnages cyniques, désabusés et dans le cheminement du trio que dans un final assez prévisible.
Plus surprenante, l'approche graphique douce et lumineuse (légers crayonnés colorisés au pinceau, uniquement dans des tons bleutés) évoque plus des albums intimistes que des intrigues aussi sombres. Le mariage contre nature réussit bien aux personnages, très expressifs, et confère une personnalité intéressante à l'ensemble.
Finalement, cet album permet de mettre en valeur des personnages et un univers convaincants, qu'on aimerait découvrir dans d'autres situations, alors que l'intrigue elle-même n'est pas l'atout majeur de Dis-moi que tu ne veux pas mourir. Etonnant pour la collection Ecritures, conçue à la base pour des histoires complètes en un ou deux volumes. Mais les règles sont faites pour être contournées, ce serait presque dommage pour Carlotto et Igort de ne pas poursuivre une collaboration aussi fructueuse.
Ces trois drôles d'oiseaux qui mènent des enquêtes aussi louches qu'eux n'ont
pas vraiment réussi à me faire embarquer complétement dans l'histoire. ce n'est
pas mauvais; mais on oublie aussi rapideemnt que c'est terminé. J'aimerais
cependant souligner le travail précis du crayon, le souligner car j'ai bien aimé la
différence avec les encres régulières et pré-programmées.