L
’enfance et son cocon, période nappée d’insouciance et heureuse... Ce n’est pas réellement le créneau dans lequel l’auteur, Nadolny Poustochkine, s’est engouffré. Les cinq courts récits proposés ont en point commun la confrontation au mal-être. « Quand j’étais enfant, mon univers se limitait à deux pâtés de maisons. Tout semblait stable. Pourtant, j’avais l’impression que quelque chose de menaçant restait caché sous la surface. » D. Lynch. S’il ne s’agit pas d’une plongée dans l’univers du cinéaste, cette phrase porte bien l’indicible sensation qui pèse sur l’ensemble de cette BD. Sans chronologie, ces cinq flashs se situent entre la période où s’ancrent les premiers souvenirs et celle des prémices de l’adolescence, le rapport avec l’ennui et l'isolement volontaire se précise.
Si la relation avec autrui, ambigüités, domination, vie en collectivité apparaît en surface, il est surtout question de solitude, du rapport au corps, de résignation et du besoin d’évasion. La chair des pommes n’a rien d’une madeleine de Proust, elle n’est pas un levier qui déclenche des émotions liées au passé, mais une ouverture vers une hypothétique échappatoire. Dans ce monde à la limite du cauchemar, l’image de l’adulte est absente, sa présence est juste suggérée. Seuls quelques passages obligés, conflits fraternels, première cigarette, virée en mobylette et autres lecture de Tintin au Tibet permettent de brefs retours à la normalité et de reprendre pied.
Ponctuée de longs silences, la narration fonctionne essentiellement en sous-entendus et instaure une atmosphère particulièrement lourde. Cela à un point tel que malheureusement, s’installe en parallèle une sensation diffuse de confusion qui, si elle reflète bien l’esprit de l’enfant, peut perdre le lecteur qui reposera son livre avec de trop nombreuses questions laissées en suspens.
Le dessin, noir et blanc passant par le gris, fonctionne avec le climat déprimé qui règne et l'évolution de l'histoire qui semble à chaque case se fixer. Les visages peuvent être particulièrement expressifs, les maux de ventre du jeune garçon sont par exemple saisissants de réalisme. Il est juste dommage qu’il faille parfois s’y reprendre à deux fois pour savoir qui est qui.
Livre intéressant par certains aspects, La chair des pommes peut plaire, mais ce n’est pas une évidence. Le ton adopté par le récit et le fond risquent fort d’en rebuter plus d’un.
J'avoue avoir bien aimé cette lecture sur la quête de l'identité car cela défile assez vite et avec un dessin qui m'a tout de suite séduit (ce qui n'est généralement pas le cas dans la plupart des oeuvres que je lis). Là, on peut réellement parler de finesse et de poésie dans les formes.
Cependant, c'est au niveau de la compréhension et dans l'enchaînement de ces histoires que j'ai eu plus de mal. En effet, je n'arrive pas à savoir si ces récits ont un lien. Les personnages se ressemblent et on arrive facilement à faire des confusions.
Le thème sera celui de ces petits moments d'enfance et d'adolescence avec ses joies, son insouciance, ses doutes et quelquefois sa solitude. Il y avait vraiment quelque chose qu'on ressent à travers ces images de scènes pourtant si anodines.
Et puis, je dirai que c'est de la douceur que de lire une bd qui n'est point bavarde. C'est peut-être aussi cela que le talent de faire parler les images muettes.