L
e jeune Brüssli s’est mis deux idées en tête : faire la lumière sur ses véritables origines et mériter le surnom qu’il s’est lui-même attribué, le Conquérant. Pour les villageois il est plutôt « crapaud qui pue » ou « demi-dragon ». Bref, il faut prendre les choses en main et partir à l’aventure. Même si un terrible monstre rôde et si des loups en uniformes sèment la terreur alentours…
Avouons-le, ça commençait mal. Affubler un gosse à face de petit dragon du prénom de Brüssli, on a beau aimer les clins d’œil et les jeux de mots à deux balles, c’est franchement too much. Et le risque couru est alors de tromper sur le contenu et les qualités de cette nouvelle série qui ne verse pas dans la parodie outrancière. Le talentueux scénariste des plébiscitées Enquêtes de l’inspecteur Bayard rassure bien vite et manie les références plus qu’il ne donne dans le pastiche. La Bête et les loups en uniformes, un lapin rose qui fait suivre un drôle de chemin à l’enfant, une créature aux allures de vieille dame anglaise qui prend le thé et s’exprime par énigmes, une puce aux airs de Gemini Criquet mais mal embouchée et au fort accent de Paname, et bien d’autres choses encore sont au rendez-vous et devraient, au minimum, "rappeler quelque chose".
Mais Fonteneau ne donne pas dans le plagiat ou dans la compilation facile, les icônes et les symboles sont dynamités plutôt que raillés et le plaisir est là. Bien sûr, vers le milieu de l’album, l’effervescence devient telle qu’on peut avoir l’impression que l’histoire va exploser en vol mais finalement tout est cohérent et exubérant à la fois, un rien foldingue mais maitrisé. Par ailleurs force est de constater qu'il y a plus de personnages dans le clan des méchants patibulaires que de gentils. Dans ce domaine l’inventaire est vite fait : en dehors de la simplette Dorette, le pauvre Brüssli est bien seul au milieu de cet entourage où pas un ne semble vouloir lui dire la vérité, sur quelque sujet que ce soit.
Le conquérant est également l’occasion de retrouver Etienne dont le style frais, vivant et coloré avait marqué les esprits avec le tome 1 de Gargouilles en 2003. Pas d’évolution flagrante dans son trait, où plutôt dans l’absence de traits apparente de son dessin. Les silhouettes des personnages comme les éléments de décor sont dépourvus de contours noirs, place aux couleurs pour remplir ce rôle. Le ton est toujours celui du cartoon, la rencontre entre les villageois et les loups en constituant la meilleure illustration.
Foisonnant à l’extrême de références sans être pompeux, agile comme une écuyère pour ne pas sombrer dans l’hystérie et la surenchère, non dénuée de portée morale, présentée dans un écrin pastel qui a fière allure, cette nouvelle série devrait faire le bonheur de nombreux petits et grands. Si elle ne pâtit pas, radotons un peu, d’un titre décidément bien ridicule et d’une couverture peu engageante.
L'univers graphique de Brüssli est assez original, fantaisiste et folklorique pour le souligner. C'est une bd vivante, fraîche, originale... je pourrais encore multiplier les adjectifs vertueux par rapport à l'impression générale que m'a procuré cette lecture.
L'histoire réserve bien des surprises à travers la quête de ce petit garçon mi-homme mi-dragon qui essaye de remonter à ses origines et qui devra sauver son village de la menace d'une méchante et cupide héritière locale à la tête d'une milice canine. Il a des amis fantasques et des alliés inattendus. On s'attache vite à ce personnage, ce qui rend la série très sympathique.
Le dessin fait par moment un peu cartoon mais cela ne m'a pas dérangé outre mesure. Le ton est résolument humoristique. Bref, on passe un agréable moment de détente.