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VIIème siècle. Bientôt seize ans et plutôt fluet, Jacques n’a pas le profil du marin-pêcheur de l’époque. Il joue pourtant les clandestins sur le même bateau que son oncle, las de ces campagnes longues et difficiles. L’appel de la Grande bleue ? La naissance d’une vocation ? L’envie de se prendre en charge ? Non, c’est l’Islande qui l’attire, cette terre maintes fois aperçue dans les visions auxquelles il est sujet depuis l’enfance.
Les dents grincent un peu lorsqu’il est question d’un jeune garçon qui tient absolument à embarquer sur un navire de pêche, et plus encore lorsqu’on apprend qu’il est doué pour le dessin. La faute à Bonhomme et à Blain évidemment puisqu’on a toujours en tête leurs Esteban et Isaac tout à fait réussis. Et pourtant, à mesure que l’intrigue s’installe, les a priori et autres références se trouvent relégués à fond de cale. Le récit progresse consciencieusement, sans heurts ni précipitation, Jacques dévoilant ses motivations et se démarquant ainsi de ses supposés modèles.
Le souffle de l’aventure est présent, d’abord ancré dans le quotidien des marins avant de s’échapper vers des rivages plus surnaturels à une époque où les superstitions avaient parfois force de loi. Les dialogues, nombreux sans être assommants, distillent leur quota d’informations documentées a propos des périples maritimes ou de cette contrée sauvage et fascinante qui fut un temps colonie danoise. D’un point de vue graphique, le trait de Marc Védrines a évolué depuis Phenomenum, série qui l’avait mis sur le devant de la scène et qui lui avait déjà offert l’opportunité d’une escapade en territoire scandinave, cette fois-là au temps des vikings. Ici point d’effet tape à l’œil à grand renfort de cascades de cases qui n’empêchaient pas la sensation de vide sur certaines planches. Là, le recours à quelques gaufriers très géométriques et à une symétrie presque austère à certains moments du récit soulignent la gravité de certaines scènes ou dialogues. Les visages sont par ailleurs plus expressifs.
Bien difficile de savoir quelles routes Jacques va emprunter ou quelle orientation Védrines va donner à son récit. À voir. En espérant que les contextes historique et géopolitique qui, même s’ils ne sont qu’esquissés, constituent la principale originalité de ce premier volet, ne soient pas sacrifiés sur l’autel du fantastique échevelé.
Selon un récent sondage, l'Islande serait devenue le pays le plus détesté au monde suite à l'éruption de ce volcan qui a cloué les avions du monde entier au sol, entraînant une pagaille sans précédent. On le doit à l'Islande mais surtout à Dame Nature qui reprend ses droits. J'ai été d'ailleurs horrifié d'apprendre que les T-Shirts "I hate Islandia" se vendaient comme des petits pains ce qui est encore un exemple de la bêtise humaine. Cela se calmera certes avec le temps à moins d'une nouvelle éruption ...
Bref, pour en revenir à la bd, on va être plongé au coeur de cette terre isolée et froide située près du cercle arctique. Un jeune adolescent est en proie à des visions dont il voudrait comprendre le sens. Tout a trait à l'Islande. Le voilà embarqué dans une aventure où la malchance ou une espèce de malédiction va s'abattre, à commencer par le navire.
C'est bavard par moment mais on est très vite happé par cette aventure qui s'apparente à une espèce de quête initiatique dans un climat envoutant. Il y a réellement de belles planches et de bonnes idées comme celles de transformer une magnifique aurore boréale en une entité monstrueuse et effrayante. Bref, c'est une série qui mérite l'attention.
Pour autant, j'ai été déçu par le troisième tome qui referme cette trilogie dans le sens où on abandonne véritablement le héros pour se concentrer sur l'Islande (encore à cause d'elle !).
Il y a une véritable digression de l'histoire qu'il faut accepter ce qui ne sera pas le cas de tout les lecteurs.
UN album très agréable à lire. Ceux qui ont apprécié Phénoménum du même Védrines ne seront pas déçu par le dessin et un scénario prenant mêlant aventures, fantastique et émotions. A lire !!