« Chante, déesse, la colère d'Achille, le fils de Pélée. Détestable colère qui aux Achéens valut d’innombrables souffrances et jeta en pâture à Hadès tant d'âmes fières. De ces héros, elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel. »
Ainsi commence l’Iliade, épopée fameuse, narrant la querelle entre Achille et le grand roi Agamemnon à propos de la captive Briséis, après neuf années de siège devant Troie, les victoires troyennes, les exploits héroïques des deux parties, la mort de Patrocle, le duel avec Hector.
Fidèle au texte d’Homère, Camille Le Gendre en tire la substantifique moelle pour rendre avec force et fougue le souffle épique de ce monument littéraire. Son traitement est ainsi très différent de celui d’Eric Shanower dans l’Age de Bronze. Là où Shanower s’attache à décrire en détail les moindres faits et gestes des Achéens et de leurs ennemis Troyens, utilisant tous les mythes qui nous sont parvenus, Le Gendre préfère centrer son récit sur Achille et les conséquences funestes de sa colère. Il fait par ailleurs la part large aux interventions divines.
Conservé avec ses métaphores, ses foules de noms et son lyrisme majestueux, le chant d’Homère prend vie sous le trait vigoureux, dynamique de l’auteur. Comme arrachés à la pierre, les visages et les corps s’animent, s’agitent, emplissant les cases d’où tout décor est absent. Ocres, rouges et bruns du fusain et de la peinture créent des ambiances magnifiques. Aucun des éléments de la guerre n'est oublié : destructions, sang qui gicle des blessures, corps à corps mortels, fracas assourdissant des combats, fureur guerrière. Le spectre de la mort comme celui de la gloire se dégagent avec puissance des pages de l’album et transcendent cette fresque grandiose. Les dessins se collent à la rétine à la façon de l’illustration de couverture, énergique, puissante qui n’est pas sans rappeler le célèbre « Génie de la Patrie » de l’Arc de Triomphe. La violence déferle comme une vague gigantesque.
Véritable chef d’œuvre graphique, La Colère d’Achille devient un indispensable pendant à L’Age de Bronze de Shanower et on ne peut que remercier Carabas de nous offrir cet album exceptionnel.
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