Chère Maman - Les mères aussi peuvent être toxiques

"Ne lui dis pas trop qu'elle est jolie, elle va finir par le croire".

Lorsque Alix entend cette phrase dans la bouche de sa mère, elle ressent comme un électrochoc. Des paroles aussi malveillantes adressées par une grand-mère à sa petite fille ne peuvent que révolter. Mais elle offre aussi à la jeune maman une véritable épiphanie. Pourquoi s'est-elle toujours sentie nulle, moche, naze, incapable...? De tels épisodes, elle en a subi toute son enfance et cela ne s'est jamais arrêté, alors qu'elle est désormais adulte et mère à son tour

Pourtant de l'extérieur, qui soupçonnerait Anne-Catherine d'être une mère toxique ? Elle a élevé seule ses filles après son divorce. Elle joue son rôle de matriarche parfois exigeante mais aimante avec beaucoup d'aplomb. Ce n'est pas de sa faute si Alix est comme elle est. Il n'y a guère que le mari de cette dernière qui n'est pas dupe, mais ce n'est pas lui qui réglera la situation. C'est à la jeune femme de se défaire de cette relation intrusive et humiliante.

D'après les spécialistes, vingt pour cent de la population a grandi auprès d'un parent toxique. Comment se construire dans un tel contexte ? Il convient d'abord de reconnaître la réalité de l'emprise, avant de s'en libérer. Il faut surtout admettre que la honte n'a pas lieu d'être et que beaucoup d'autres se débattent avec les mêmes problèmes. Il est malheureusement difficile d'aborder ce sujet en société, renforçant un sentiment d'incompréhension et de solitude.

De ce point de vue Chère maman peut permettre au lectorat de porter un regard différent sur leur entourage et comprendre que ce type de mécanismes existe et que, peut-être, il y a déjà été confronté, directement ou indirectement. Le livre ne se veut pas moralisateur. Il raconte avant tout une histoire, bien qu'elle soit probablement nourrie d'expériences personnelles. Mais la description de la toxicité parentale y est particulièrement frappante. De nombreuses scènes risquent de résonner étrangement dans l'esprit de certaines et certains. Le parti-pris visuel de représenter la génitrice maltraitante comme une ombre noire et impénétrable fonctionne extrêmement bien, traduisant à la fois le manque complet d'empathie, la menace constante et le pouvoir d'emprise, comparable à un trou noir qui aspire l'énergie et l'estime de soi de sa victime. Le traitement graphique, faussement simpliste, regorge en fait de trouvailles qui retranscrivent les angoisses de l'héroïne. En s'attaquant à ce sujet méconnu, Mademoiselle Caroline et Sophie Adriansen signent un livre fort et utile.