L
es années qui s’accumulent, des nouveaux venus qui viennent remplacer les plus âgés, les habitudes et les paysages qui changent, avec Fred Bernard au milieu. Arrivé à l’âge-bascule où la vieillesse devient plus proche que l’enfance, le créateur des Aventures de Jeanne Picquigny commence à avoir des sueurs froides. En bon artiste qui se respecte, il décide de mettre du sens sur ses doutes et ses sentiments. Comment est-il, et nous par la même occasion, arrivé à cette situation ? D’où vient-il ? Qui est-il et où va-t-il ? Ces question ne sont pas nouvelles et ont souvent été adressées au fil des millénaires, mais là, c’est urgent, pour lui et, pense-t-il, surtout pour son fils.
Dans Nos Héritages, ouvrage dense et touffu, Bernard a décidé d’embrasser large afin de cerner le sujet qu’il maîtrise le mieux, lui. Pour se faire, il introduit chaque chapitre par un mini exposé historique censé mettre en contexte une époque de son existence. Ces tentatives de vulgarisation s’avèrent très compactes et résumées à l’extrême. Ensuite, l'auteur retrace classiquement et méticuleusement différentes étapes de son cheminement personnel. Il n’est pas le premier à proposer une chronique autobiographique de ce type. Souvenirs touchants, moments-clefs et réminiscences remplies d’émotion à l’évocation d’un parent aujourd’hui disparu, l’appareil est au point. Seulement, comme dit précédemment, le scénariste semble être dans l’urgence et, peut-être par peur de laisser une anecdote sur le chemin, il surcharge sa narration de détails et de précisions. Résultat, ses planches si colorées et vivantes débordent de descriptifs et de digressions. Edgar P. Jacobs n’est pas loin et le lecteur ne sait souvent plus où donner de l’œil.
En résumé, Nos Héritages souffre d’un souci de trop bien faire. Une autre leçon qu’enseignent les philosophes est de savoir prendre son temps, de s’arrêter et de faire le tri entre ce qui est vraiment important et ce qui ne l’est pas. Fred Bernard n’a pas su choisir et fonce. Malheureusement, dans son élan de générosité, il étouffe petit-à-petit son projet sous un flot ininterrompu de propos divers et variés. Cependant, tout n’est pas à jeter, loin de là. Sa sincérité est indéniable et ses angoisses existentielles sont certainement partagées par beaucoup. De plus, pour les bédéphiles en particulier, il est intéressant de remarquer ici ou là les origines d’idées ou de péripéties qui se retrouvent dans les albums de cet auteur attachant et à la bibliographie si originale.
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