V
ingt ans après avoir quitté en catimini une famille ultra-orthodoxe juive, celle qui est devenue Marie revient habiter dans la maison de son enfance. Mariée, une fille de seize ans et un garçon de onze, elle n’est évidemment plus la jeune femme de dix-neuf ans qui avait préféré fuir les siens plutôt que subir des règles de vie oppressantes et hors du temps. N'ayant jamais parlé de ce pan de son passé à ses enfants, les premières révélations qui ressurgissent à l’occasion de ce déménagement ne sont pas faciles à assumer. Marie va devoir désormais vivre avec des fantômes bien encombrants. Ce retour aux sources va rapidement se transformer en un affrontement d’une violence inexplicable...
D’abord roman social sur fond de traditions religieuses se transformant en thriller quasi-fantastique, Dibbouk explore plusieurs thèmes actuels d’une façon énergique. Une galerie de personnages bien pensés, un art consumé du saupoudrage des indices et des informations, un peu de mysticisme et une intrigue s’étalant sur des décennies, Déborah Hadjedj-Jarmon a parfaitement intégré les codes et les façons de faire des auteurs de polars nordiques. Elle guide le lecteur dans un récit aux ramifications multiples ne les lâchant plus avant une série de révélations-chocs. En route, elle multiplie les fausses pistes et en profite pour glisser quelques renseignements sur les pratiques hébraïques.
Une affaire qui roule et impossible à reposer avant la dernière page ? Oui et non.
D’un côté, les protagonistes s’avèrent attachants et la progression dramatique est au point. De l’autre, les ficelles narratives sentent passablement le déjà vu ou lu (les amateurs de Camilla Läckberg ne seront pas décontenancés) et finissent par donner à l’album un côté passe-partout, sans réelle identité. Cette facilité et cet abus de «trucs» scénaristiques un peu trop éprouvés gâchent légèrement le plaisir, mais il s’agit également de passages obligés qui font le charme de ce genre très formaté.
Aux pinceaux, Alberto Zanon rend une copie sans-faute à la mise en page léchée et aux angles de vue virevoltants. Cette virtuosité graphique apporte énormément de dynamisme au scénario. Par contre, les couleurs un peu ternes et, surtout, uniformes tout au long de l’ouvrage ne semblent pas jouer la même partition. Peu importe, la tension ou le suspens, elles restent sur la même tonalité, comme si ce qui passait dans les planches ne les concernait pas vraiment. Dommage pour l'atmosphère.
Carré et très (trop ?) balisé, Dibbouk peine à dépasser les attentes en dépit d'un cadre intéressant et d’une réalisation soignée. À réserver aux fans de polars noirs classiques.
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