E
xiste-t-il un endroit plus déprimant qu'une station balnéaire hors saison ?
Dans une banlieue de Málaga crépusculaire, à peine éclairée par le soleil rasant, Saïd traine sans but. Il ne côtoie personne, si ce n'est une prostituée de temps en temps. Il se livre à des séances matinales de jogging dans les rues désertes. Sinon, il ne fait pas grand-chose. Par contre, il semble sans cesse sur le qui-vive, à l'affut du moindre comportement suspect. L'Andalousie offre un point de chute facile pour les criminels français en cavale, le temps de se faire oublier de la police ou de complices qui se sentiraient lésés. Le jeune homme n'est pas en villégiature. Il se planque, autant de la police que de ses complices, qui pourraient être sur ses traces. Alors, il attend.
Calle Málaga s'inscrit dans la tradition des thrillers d'atmosphère. A priori, il y a peu à en attendre. Les ingrédients de base sont classiques. Le style semi-réaliste du dessin semble le choix le plus évident. La réalisation se cantonnera-t-elle aux voies balisées ? Pourtant, cet album se démarque rapidement par des choix narratifs audacieux. Privilégiant l'atmosphère avant tout, le scénario est avare en dialogue, offrant par contre de longues séquences muettes qui installent une ambiance pesante. La composition des planches alterne intelligemment le gaufrier classique avec de doubles pages panoramiques qui traduisent élégamment la langueur ambiante. Et, malgré l'économie de textes, les auteurs parviennent à donner une belle épaisseur aux personnages et à mettre en scène leur relation.
Mark Eacersall, qui s'est taillé une petite réputation dans le polar en bandes dessinées et lauréat d'un fauve Polar SNCF, signe une intrigue solide et bien construite. Il a trouvé en James Blondel, dont c'est la première bande dessinée, un complice talentueux. pour une création qui se révèle une bonne surprise.
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